Friday, May 2, 2025

A la redécouverte de célèbres personnages n°XII : François, fameux Anticlérical...et Jésuite malgré lui, insuffisamment conscient de l'histoire Ecossaise !

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique, Ph. D

traduit et adapté de l'anglais par lui-même

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Voici la traduction et l'adaptation en français de notre article intitulé, "Rediscovering famous characters XII : François, famous Anticlerical...and Jesuit in spite of himself, unaware of Scottish history !", publié sur Global Politics and Economics le 6 mars 2025 !

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Notre personnage du jour peut apparaître plutôt contradictoire à l'occasion, de nos jours. Il s'est toujours considéré comme dur, exigeant, et sélectif dans ses engagements. Il avait des amis et admirateurs qui comptaient quelques têtes couronnées. Il était considéré comme un modèle de l'homme qui pouvait voir à travers les choses de manière formidable, tout en se montrant très paradoxal parfois. Il est très célèbre dans le monde entier encore aujourd'hui pour tous ses écrits - qui comprennent également des tragédies et des travaux historiques -, et il demeure l'un des grands représentants de l'esprit français. Il était si sûr de lui-même en tant qu'anticlérical convaincu, contre l'Eglise Catholique, qu'il ne pensa jamais à la fin être en voie de devenir une sorte de "Jésuite". En 1764, quatorze ans avant qu'il ne devienne franc-maçon, il se réjouit même que les Jésuites aient été expulsés de France. C'était une position opposée à celle qu'il avait prise en 1759, lorsque le Marquis de Pombal (1699 - 1782) avait expulsé la Compagnie de Jésus du Portugal, sous des prétextes inventés selon lui. Néanmoins, il semble qu'il n'ait pas été suffisamment conscient de la fière et grande histoire de l'Ecosse : nous donnerons donc quelques précisions importantes à se sujet. Cependant, il est vrai qu'il n'était pas athée, mais déiste !

Promoteur parmi d'autres du Siècle des Lumières, il ne compris jamais complètement les racines pourtant parallèles de la Franc-Maçonnerie, et leur lien étroit avec un objectif : la restauration de la dynastie des Stuarts sur le trône de Grande-Bretagne et d'Irlande. Il avait eu pour parrain Benjamin Franklin (1706 - 1790), qui était un ami personnel du Père Jésuite John Carroll (1735 - 1815) - ce dernier devint le 1er Evêque Catholique des USA sur sa recommandation en 1789. Il semble que notre personnage du jour ait eu une initiation accélérée, eu égard à sa célébrité, dans la Loge des Neuf Soeurs de Paris deux mois avant sa mort. A-t-il atteint d'un seul coup le 4ème degré de "Maître Ecossais", en devenant ipso facto un "Profès du 4ème degré" (c'est-à-dire un "vrai Jésuite", au sens des règles de la Compagnie de Jésus) ? Nicolas de Bonneville (1760 - 1828), un franc-maçon de haut rang et un libraire-imprimeur, le pensait en se demandant s'il s'en était rendu compte. On peut trouver ce détail dans son oeuvre publiée, intitulée "Les Jésuites chassés de la Maçonnerie et leur dague brisée par les Maçons" (Londres, 1788). Il se demandait même facétieusement s'il s'était douté de quelque chose ?

La réponse pourrait être peut-être, car notre personnage du jour compara l'assemblée des francs-maçons de la Loge des Neuf Soeurs (1776 - 1792) à...la Congrégation des Jésuites. Mais il est vrai qu'il avait étudié pendant sept ans dans un établissement jésuite (le Collège Louis le Grand de Paris), à partir de l'âge de dix ans. Donc, il était familier de la pensée Jésuite. De toute façon, il était à la fin de sa vie, ayant une maladie de langueur (un cancer à ce qu'il semble). Et il savait que les Jésuites choisissaient toujours les gens parmi les meilleurs. Notre personnage du jour est resté célèbre dans l'histoire pour son mordant, sa liberté d'esprit et l'importance qu'il accordait au libre-arbitre (tout comme les Jésuites sur ce point). Ceci apparaît indéniablement dans ses écrits philosophiques, souvent très légers et pleins d'humour. Et le fait est qu'il fut clairement choisi, malgré lui. Le raisonnement Jésuite a des caractéristiques précises : la pensée est plastique, fluide, subtile, et pénétrante. Elle est plutôt progressive (donc pas dogmatique habituellement), et parfois marquée d'une pointe d'audace qui lui donne quelque panache. Même le fondateur de la Société de Jésus (en 1540 à Montmartre - Paris), Saint Ignace Lopez de Loyola (1491 - 1556) avait eu des problèmes avec l'Inquisition Dominicaine. Il avait été un temps presque considéré comme hérétique en Espagne. Mais il était parvenu à en réchapper, grâce à la finesse de ses réponses sur ses "Exercices Spirituels", et également à la chance et à des protections bien placées ! 


A ce stade, pouvez-vous deviner qui est notre célèbre personnage du jour ? Vous commencez à avoir une idée ! Bien, continuons notre récit. Concernant les débuts de la Franc-Maçonnerie spéculative, l'écran de l'origine templière avait été habilement réactivé par les Jésuites, uniquement pour se préserver dans un environnement de plus en plus hostile. N'oubliez pas qu'ils avaient lourdement souffert sous la Reine Elisabeth Ière (1533 - 1603) et ses successeurs. Au-delà de cela, la référence Templière pour la Franc-Maçonnerie n'est pas vraiment erronée, à proprement parler. Elle explique pourquoi encore aujourd'hui, une partie des Francs-Maçons conserve cette référence, tandis que d'autres l'ont abandonnée en 1782 lors du Convent de Wilhelmsbad (Hesse, actuellement en Allemagne). En effet, les Templiers réfugiés en Ecosse ont effectivement aidé Robert le Bruce (1274 - 1329) à conserver son titre de Roi d'Ecosse - il était devenu Roi en 1306 - après leur victoire commune contre les Anglais lors de la fameuse bataille de Bannockburn (1314). Et il semble que la Loge-mère de Kilwinning (Ecosse) existait déjà en tant que Loge Opérative (et pas encore comme Loge Spéculative). Et parmi les Templiers, il n'y avait pas seulement des Chevaliers, mais aussi des maçons, simples constructeurs de bâtiments. C'était juste une autre facette de la vérité !

Les Stuarts (initialement Stewarts) étaient la dynastie écossaise qui succédait à celle des Bruce. Ils étaient étroitement liés par des liens de sang : Robert Stewart (1316- 1390), petit-fils de Robert Le Bruce, succéda à son oncle David II (1324 - 1371) sur le trône d'Ecosse en 1371, sous le nom de Robert II. A travers une franc-maçonnerie imagée, pleine de transpositions et d'allégories habiles, les Jésuites voulaient avant tout remettre la dynastie Stuart sur le trône britannique, avec Charles II (1630 - 1685) : c'était le fils du Roi Charles Ier (1600 - 1649), décapité, et arrière-petit-fils de Marie Stuart (1542 - 1587), Reine d'Ecosse et cousine malheureuse de la Reine Elisabeth Ière d'Angleterre. En réalité, les Stuarts - et leurs partisans jésuites - étaient en forte opposition au Lord Protecteur de la dictature républicaine britannique, Oliver Cromwell (1599 - 1658). Ce but fut finalement atteint grâce au soutien de son cousin, le Roi Louis XIV (1638 - 1715), deux ans après la mort de Cromwell, en 1660. Charles II, "l'enfant de la veuve" (Henriette de France, épouse du Roi Charles Ier, 1609 - 1669), était surnommé "Charles le Joyeux", par opposition à Oliver Cromwell, "le puritain brutal" !

Les  Jésuites soutinrent ensuite Charles Edouard Stuart (1720 - 1788). Ceci nous conduit à l'histoire épique et romantique de "Bonnie Prince Charlie" (1720 - 1788), qui affronta George II (1683 - 1760), de la dynastie de Hanovre. En effet, après la Reine Anne (1665 - 1714), dernière souveraine Stuart d'Angleterre, d'Ecosse, et d'Irlande, le trône passa à la dynastie de Hanovre, à travers George Ier (1660 - 1727), auparavant Duc de Brunswick-Lunebourg. Ce dernier prétendant Stuart au trône britannique fut défait à Culloden (1746), près d'Inverness (Ecosse), après de brillants débuts. Il put cependant échapper à la chasse à l'homme lancée par William-August, le victorieux et implacable Duc de Cumberland (1721 -1765), fils de George II. Il sauva sa vie de justesse grâce à l'aide ultime et surprenante de la tendre Flora Mac Donald (1722 - 1790), qui le cacha hardiment sous les plis de sa large robe. Il put alors heureusement s'enfuir vers le continent (la France d'abord, patrie de Voltaire - 1694 - 1778), avec l'aide de son père !




Nous devons admettre que nous avons ressenti une certaine émotion en visitant les sites de Bannockburn et de Culloden, il y a de cela des années avec notre jolie et agréable fiancée, après une croisière sur le Loch Ness - aussi noir que de l'encre - près de la charmante et animée ville d'Inverness. Le Royaume d'Ecosse est aussi captivant qu'attachant, et il en émane une certaine magie avec ses paysages magnifiques, parfois hors du temps. C'est un endroit si pittoresque et chargé d'histoire !

Nous pensons que vous avez finalement compris que notre personnage paradoxal du jour est le célèbre Voltaire (François-Marie Arouet, 1694 - 1778). L'attitude exigeante de Voltaire envers la Noblesse et le Clergé était due à un méchant incident dont il avait souffert en janvier 1726 : il avait été bastonné par des laquais, sur l'ordre du Chevalier Guy-Auguste de Rohan (1683 - 1670), un parent du célèbre Cardinal de Rohan (1734 - 1803) pour le remettre à sa place, ce qu'il n'accepta jamais...même s'il dut faire un court séjour à la prison de La Bastille !

Mais il est vrai que son séjour de deux semaines fut plus clairement plus court que celui du Cardinal Louis-René de Rohan, lors de l'Affaire du Collier de la Reine (1785 - 1786), jamais vraiment élucidée : on ignore encore aujourd'hui que, s'il fut finalement libéré de cette prison "quatre étoiles", il fut néanmoins condamné à rembourser une somme considérable aux joaillers Boehmer et Bassenge pour ce collier, avec intérêts. Donc son innocence totale n'apparaissait pas si évidente. Et la question d'une obscure rivalité dynastique entre Valois et Bourbons n'a jamais été étudiée concernant la principale instigatrice de l'affaire, Jeanne de Valois, Comtesse de La Motte (1756 - 1791 ?). En fait, cette dernière était une descendante du Roi Henri II (1519 - 1559)...au destin funeste prédit par Nostradamus (1503 - 1566) dans la Centurie I - Quatrain 35 de ses célèbres prophéties !

De nos jours, Voltaire est très critiqué en France : il n'aurait pas été assez "woke" et aurait eu de nombreux préjugés. Si l'on veut critiquer l'attitude parfois intolérante de Voltaire, il existe une manière plus simple et moins anachronique : on pourrait, par exemple, souligner son comportement méchant et plutôt antipathique envers le paisible Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778), qui l'admirait initialement. Lui, le "businessman" de Ferney, ne le considérait pas du tout comme un pré-révolutionnaire, mais seulement comme un doux rêveur. Il pensait qu'en publiant "Du contrat social" en 1762, Rousseau critiquait implicitement son pays d'origine, la République de Genève où il l'avait rendu persona non grata, et non le Royaume de France où il demeurait comme une sorte de réfugié politique !

Nul ne sait s'ils se sont réconciliés outre-tombe, dans le lieu de leur dernier repos, le Panthéon de Paris. Mais personne ne peut enlever à Voltaire, ni à Rousseau, le fait qu'ils aient été de grands esprits du XVIIIème siècle, et qu'ils aient laissé des oeuvres immenses - peut-être trop extrapolées parfois. Pourtant, en même temps ils n'étaient que des hommes, avec les défauts et les qualités de leur temps. Il est toujours injuste de juger les gens du passé avec notre vision actuelle et éphémère. C'est ce que nous enseigne l'histoire des mentalités !

En fait, il nous faut d'abord restaurer la pensée de l'époque concernée sans préjugés, en nous replongeant dans son atmosphère. Et ceci exige un grand effort sur soi et un grand souci d'objectivité. De plus, nous ne savons pas si d'ici cinquante ans ou même beaucoup moins, notre époque ne sera pas jugée trop extrême, étroite d'esprit, destructurée, et absurde ou sans queue ni tête (en un mot idiote)...pour expliquer son possible effondrement soudain !

Il est remarquable que Johann Joachim Christoph Bode (1731 - 1793) et Nicolas de Bonneville aient eu une analyse à peu près identique sur l'importance des Jésuites dans le développement de la Franc-Maçonnerie, tout spécialement à travers ses hauts grades (à partir du 4ème). Bode est ce musicien et éditeur allemand qui avait succédé à Johann Adam Weishaupt (1748 - 1830) comme deuxième Grand Maître des Illuminati de Bavière, à partir de 1785 : il le remplaça avec son accord. Et Bonneville devint l'un de ses disciples les plus enthousiastes !

Le premier mérite de Voltaire est d'avoir écrit dans un français accessible à tous. Il n'était jamais "ennuyeux", mais au contraire plutôt amusant, notamment avec ses contes philosophiques comme Candide, Zadig, Micromégas ou d'autres. De nos jours, cela peut même apparaître comme rare. Sa grandeur résidait dans sa simplicité et sa franchise. C'était quelqu'un qui n'était ni coincé ni prétentieux. Et lorsqu'il défendit avec ferveur différentes causes, comme les affaires Calas, Sirven, ou du Chevalier de la Barre (1761 -1765), il prit véritablement des risques face à l'ordre établi. Aujourd'hui, ceux qui se disent "engagés" sont souvent davantage dans la posture, et ne risquent pas grand chose. C'est pourquoi, nous sommes si surpris, impressionnés, voire fascinés lorsque ce n'est pas le cas !