par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique, Ph. D
traduit et adapté de l'anglais par lui-même
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Voici la traduction et l'adaptation en français de notre article intitulé 'Uchronic history XX : after the "one hundred days" !', publié sur Global Politics and Economics le 21 mai 2023 !
Comme vous le verrez nous y faisons mention de Joseph de Villèle ( 14 avril 1773 - 13 mars 1854), qui fut un homme clé dans le succès contra-cyclique de la Restauration des Bourbons, à travers sa forte influence en tant que Chevalier de la Foi de rang suprême d'abord, et dont bien plus tard le départ du pouvoir politique (le 4 janvier 1828) après son échec aux élections de novembre 1827, annonçait peut-être déjà imperceptiblement la Révolution monarchique et bourgeoise de 1830. N'avait-il pas dissous la Garde Nationale, qui était une ancienne émanation de la bourgeoisie, en 1827 également, après qu'elle ait manifesté contre lui ? Curieusement, la nouvelle Chambre des Députés n'avait pu dégager aucune majorité : il y avait 180 députés Ministériels, 180 Libéraux également, et 70 Ultra-Royalistes anti-Villèle !
Maire de Toulouse, député de Haute-Garonne, et homme d'un autre temps, il fit soudainement irruption dans l'histoire de France en modelant son temps et celui de ses compatriotes, au moment où les Jésuites connaissaient une formidable résurrection. Il fut finalement un Ultra souvent plus modéré que ceux dont il était le leader, ce qui lui donna une singularité si remarquable. Il fut le dernier Président du Conseil de Louis XVIII, et le premier de Charles X pendant presque quatre ans (sur les six ans de son règne), en étant donc à cheval sur les règnes de ces deux Rois de France. Il demeure dans notre histoire comme une figure particulièrement énergique et volontaire, qui pourrait paraître étonnante de nos jours !
Dans notre Petit Larousse Illustré, De Villèle a une courte entrée sous "Villèle (Jean-Baptiste Guillaume Joseph, comte DE)", où sont mises en exergue sa loi dite du "Milliard des Emigrés", et celle punissant le fait de s'en prendre à des édifices religieux, toutes deux de 1825. La première, du 20 avril 1825, visait à indemniser les Emigrés spoliés qui avaient tout perdu, et à qui on avait tout volé pendant la Révolution de 1789, tout en garantissant le droit de propriété des acquéreurs de "biens nationaux" ; elle consistait en une rente annuelle de 3% sur la valeur des biens perdus, et fut payée pendant 33 ans. Et la seconde, du 27 avril 1825, avait pour but de protéger les édifices religieux des religions légalement établies (donc pas seulement de la religion catholique) des déprédations, du pillage ou du vol, et de la profanation sacrilège. Mais bien qu'ensuite amendée par De Villèle, cette loi sévère ayant institué l'ancien article 381 du Code Pénal fut quant à elle abrogée le 11 octobre 1830, par un tout nouveau régime monarchique quelque peu anticlérical. Si Louis-Philippe d'Orléans (1773 - 1850), devenu Louis-Philippe Ier ne fit pas abroger la loi sur le "Milliard des Emigrés" du même coup, c'est parce qu'il en était le principal bénéficiaire avec son supporter de toujours, le Marquis de La Fayette (1757 - 1834) !
Sous l'entrée "Louis XVIII" du même dictionnaire, on parle cependant de De Villèle de façon presque accessoire par rapport au Duc de Richelieu (1766 - 1822) et à Decazes (1780 - 1860), présentés comme ses prédécesseurs au Conseil Privé du Roi. Or cela pourrait laisser quasiment à penser qu'ils auraient pratiquement tout fait dans le règne - ce qui est plutôt injuste et inexact. Decazes est celui qui à partir de 1818 fit la chasse aux Ultras, en remplaçant un certain nombre de préfets, et perdit son pouvoir après l'assassinat du Duc de Berry en 1820, auquel on l'accusa même un temps d'être mêlé, ajoutons-le ! Même en tant que Ministre des Finances, portefeuille détenu depuis le 14 décembre 1821 qu'il garda en parallèle à celui de Président du Conseil (de 1822 à 1828), Joseph de Villèle y est montré de façon assez secondaire par rapport au baron Louis (1755 - 1837). Mais, ce dernier n'avait essentiellement fait que de reconnaître les dettes de l'Empire et de simplifier la comptabilité officielle. Il n'avait pas spectaculairement relancé l'économie de la France, ni sa puissance agricole, quant à lui. Or, après avoir été un temps Ministre sans Portefeuille du Duc de Richelieu revenu au pouvoir, il devint Ministre des Finances au départ du même Duc (le 14 décembre 1821), et c'est donc bien à lui que De Villèle succéda finalement, pas à Decazes !
En réalité, Joseph de Villèle n'entama visiblement son accession au pouvoir politique suprême, que deux ans après le départ final du territoire français des dernières Forces d'Occupation Alliées (avancé au 30 novembre 1818) - qui faisaient suite à la défaite marquante de Napoléon Ier à Waterloo (Belgique, 18 juin 1815). Ce départ fut avancé de deux ans, parce que le très habile Duc de Richelieu, qui avait précédemment été gouverneur d'Odessa en Crimée en 1803, avait su jouer de son amitié avec le Tsar Alexandre Ier (1777 - 1824), pour obtenir que les réparations dues par la France soient ramenées de 1600 millions à 240 millions de francs. Et c'est là un détail historique qui mérite d'être souligné concernant la renégociation à la (forte) baisse de la dette française, pour une France qui avait été ramenée à ses frontières de 1792. Donc, lorsqu'il devint Ministre sans Portefeuille (du 21 décembre 1820 au 25 juillet 1821), puis Ministre des Finances (14 décembre 1821) et Chef officieux du Conseil au départ du Duc de Richelieu, et enfin Président du Conseil tout en conservant le Ministère des Finances (le 4 septembre 1822), il le fut clairement dans une France à nouveau indépendante et plus libre de ses mouvements. Par rapport à ses prédécesseurs, il exerça donc clairement un pouvoir de plein exercice. Il cumula même les fonctions de Ministre des Affaires Etrangères par intérim du 6 juin au 4 août 1824 avec ses deux fonctions principales !
A titre d'aparté, il est important de souligner que lorsqu'il fut Ministre sans Portefeuille, il ne fit pas rien bien sûr. On pourrait penser que pendant ces huit mois, il aurait pu remplacer un de ses collègues à l'occasion. Mais son rôle principal fut de lutter secrètement contre les opposants au régime les plus farouches. Car depuis l'attentat contre son neveu, Charles-Ferdinand d'Artois, Duc de Berry (1778 - 1820) le 13 février 1820, et sa mort le lendemain, Louis XVIII craignait à nouveau pour sa couronne. Pendant l'été 1820, la conspiration Carbonari dite du "Bazar français" en faveur du très jeune Napoléon II (le Roi de Rome appelé le Duc de Reichstadt à Vienne, 1811 - 1832), et impliquant notamment La Fayette et son fils - pourtant Orléanistes -, avait été déjouée de justesse en empêchant tout soulèvement général. Il fallait donc au Roi un homme sûr et possédant des compétences particulières pour combattre les dangereux Carbonari (ou "Charbonniers"), qui attiraient à eux les Bonapartistes et les opposants les plus radicaux. Et ils avaient des milliers de membres à Paris et en province. De Villèle fut cet homme providentiel. C'était incroyablement risqué, car les Carbonari étaient particulièrement suspicieux, et avaient leurs signes de reconnaissance. Mais il parvint tout de même à les infiltrer avec des personnes à lui, en profitant de leur manque d'organisation et de leur indiscipline. Tous les coups de main de ces derniers échouèrent, et ils commirent des erreurs fatales à leur société secrète. Ainsi, en France à tout le moins prépara-t-il leur auto-dissolution de la fin de 1822, après la condamnation à mort des Quatre Sergents de La Rochelle (guillotinés en place de Grève le 21 septembre 1822) !
La restauration de la grandeur militaire de la France en 1823 avec la prise du Fort du Trocadéro à Cadix (Espagne) le 31 août, pour raffermir le pouvoir de Ferdinand VII de Bourbon (1784 - 1833), fit dire à Chateaubriand, alors son ministre des Affaires Etrangères : "Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l'homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans, c'était un véritable prodige !" A ce sujet, le bouillant François-René de Chateaubriand (1768 - 1848) avait raison. Et même si au départ, il n'était pas très favorable à cette intervention confiée aux bons soins de la France par la Sainte Alliance en 1822 (au Congrès de Vérone), De Villèle qui avait voulu pour cette raison qu'elle soit rapide, dut bien reconnaître qu'il avait brillamment réussi là où Napoléon avait échoué !
Au tout début de 1828, lorsqu'il quitta le pouvoir, Joseph de Villèle fit une adresse aux députés qui pourrait déconcerter de nos jours. A ces derniers qui s'étonnaient de l'imposant montant du nouveau budget de la France, un record pour l'époque semble-t-il, pour une France redevenue riche, prospère, et puissante, il lança avec assurance : "Saluez ce chiffre, messieurs, vous ne le reverrez plus !" Et il est clair que le chemin qui mena ensuite à la Révolution de 1830, avec les Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830), et l'avènement de la branche cadette des Bourbons-Orléans avec Louis-Philippe Ier (1830 - 1848), en tant que "Roi des Français", ne fut pas vraiment pavé de roses. Une nouvelle fois, les querelles familiales intra-dynastiques avaient déterminé le destin de la France, bien plus que le mécontentement populaire attisé à cette époque !
Mais faisons un bref retour en arrière : le 3 janvier 1828, le Comte de Villèle avait été fait pair de France. Et curieusement, même après son départ du pouvoir exécutif le lendemain, il resta si influent et reconnu pour son expérience ainsi que son efficacité politique et son énergie, que d'anciens opposants politiques venaient le voir pour avoir quelques conseils sur la façon de diriger le pays. Mais le 31 mars 1830, lorsque dans la crainte d'une nouvelle révolution, on lui proposa de revenir au pouvoir en tant que Président du Conseil, il préféra refuser : il n'avait pas oublié la trahison et l'ingratitude des 70 députés Ultras en novembre 1827 ! A l'aube de sa mort en 1854, il pensait que les rivalités familiales des différents rameaux des anciennes familles régnantes, avaient été le point d'orgue caché des trois révolutions que la France venait de connaître, en 1789, en 1830, et en 1848 également. Napoléon II, même s'il n'avait pu régner, n'était-il pas après tout l'arrière-petit-cousin du Roi Louis XVI (1754 - 1793 ?) et de la Reine Marie-Antoinette (1755 - 1793 ou 1834 ?) ? Et Louis-Napoléon Bonaparte (1808 - 1873), son cousin, n'était-il pas devenu Napoléon III, le second empereur des Français (1852 - 1870), suite à son coup d'Etat réussi du 2 décembre 1851, après avoir été élu premier président de la République Française en 1848 ?
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Aujourd'hui nous allons parler du règne de Louis XVIII (1814 - 1815, 1815 - 1824), sous la Restauration en France, et particulièrement sous la seconde Restauration qui succéda aux "Cent jours" du retour de l'Aigle, Napoléon Ier (21 mars 1815 - 18 juin 1815) !
Habituellement, les historiens ont tendance à se focaliser sur le Duc de Richelieu (1766 - 1822), [successeur de la "girouette" Talleyrand] lorsqu'il accéda au poste de Président du Conseil des Ministres de Louis XVIII. Armand-Emmanuel du Plessis, Duc de Richelieu (1766 - 1822), qui fut nommé le 24 septembre 1815, a certainement aidé le pays à se relever de ses cendres : très habile, il fit payer les réparations de guerre dues aux Alliés par les grandes banques européennes, avec l'emprunt Richelieu. Cependant, concernant l'Agriculture, qui était le principal secteur économique de l'époque, il ne réussit pas aussi bien !
C'est pourquoi, nous avons choisi finalement de mettre en lumière son dernier Président du Conseil, Joseph de Villèle (1773 - 1854), le moins connu de ce règne, dont le rôle fut si significatif. De Villèle est celui qui fut de façon surprenante victorieux des redoutables Carbonari en France en 1822, par exemple. Mais sa spécificité fut d'être victorieux sur tous les fronts, en redonnant de façon inattendue sa grandeur à la France. Ce n'est pas si loin, et pourtant c'est l'une des périodes les moins étudiées et les moins connues de notre histoire. Préparez-vous donc à bien des surprises ou à des révélations surprenantes !
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Après les "100 jours" et le retour de Louis XVIII (1755 - 1824) au début de juillet 1815, il y eut un certain nombre d'actes de vengeance contre d'anciens soldats de la "Grande Armée" de Napoléon. Entre 300 et 500 d'entre eux trouvèrent la mort dans le Sud de la France et la Vallée du Rhône : l'assassinat du Maréchal Guillaume Brune (1763 - 1815 en Avignon le 22 juin 1815, qui fut jeté dans les courants du Rhône, fut hautement symbolique de cette période troublée. Ladite période fut dénommée la "Terreur blanche". Elle provoqua la colère du Duc de Wellington (1769 - 1852), Commandant en Chef des Forces Alliées, et vainqueur de Napoléon Ier à Waterloo (18 juin 1815). Où qu'elles se trouvent dans la France occupée (elle fut occupée par les Alliés Britanniques, Autrichiens, Russes, et Prussiens jusqu'en novembre 1818), les Forces Britanniques les stoppèrent ! Et Wellington exigea de Louis XVIII lui-même de donner l'ordre d'interdire et d'empêcher ce type d'actions vengeresses - ce qui peut sembler plutôt paradoxal venant du principal ennemi de Napoléon !
A ce propos, il doit être ajouté qu'Arthur Wellesley (le nom originel de Wellington), avait été dans sa jeunesse Lieutenant Instructeur d'Infanterie à l'Ecole Militaire d'Angers (France, 1787). Et il avait une certaine admiration pour la grandeur de Napoléon Ier (1769 - 1821), et ses valeureuses troupes. Il avait indéniablement gagné à Waterloo en usant de l'antique stratégie d'Alexandre le Grand (359 av. J.-C - 323 av. J.-C.), qu'il avait apprise en France, contre Napoléon. Pourtant il démontra ensuite une sorte de fraternité d'armes envers ses honorables vaincus. Et c'est lui qui imposa également au Chancelier Autrichien Metternich (1773 - 1859), la non-exclusion de la France du Concert des Nations au Congrès de Vienne (1815)...bien plus que le rusé Talleyrand (1754 - 1838) ! Mais au crédit de ce dernier, il est vrai qu'il avait introduit la Valse Viennoise en France, le 3 janvier 1798, à l'occasion d'une fête dans son hôtel du Faubourg Saint Germain ! A titre de seconde aparté, en 1792 l'Empire d'Autriche avait refusé de "racheter" à Danton (1759 - 1794), le Ministre Français de la Justice, la Famille Royale Française emprisonnée à la Prison du Temple de Paris. Ce dernier aurait signé son "décret de déportation" dans ce processus. Et ceci aurait pu éviter beaucoup de problèmes subséquents, même si ça apparaissait peu orthodoxe !
D'un autre côté, pour en revenir à la "Terreur blanche" - au niveau légal cette fois-ci -, plusieurs hauts gradés de Napoléon furent jugés pour haute trahison envers le Roi, comme le Maréchal Michel Ney (1769 - 1815), qui fut condamné à mort par la Chambre des Pairs : il fut exécuté le 7 décembre 1815. Et le 12 janvier 1816, une loi fut passée contre les anciens Conventionnels régicides - comme Joseph Fouché (1759 - 1820), dit le "Mitrailleur de Lyon" -, avec la punition du bannissement. Pourtant la question Bonapartiste demeura dominante durant tout le règne de Louis XVIII et même après. Les Bonapartistes furent les principaux opposants au nouveau régime. Les Jacobins restants n'étaient pas très nombreux. Et leur régime avait laissé de terribles souvenirs avec la Terreur et le génocide de la Vendée...ou l'horrible massacre oublié de Lyon déjà cité (Lyon avait été méchamment surnommée "la Ville sans nom"). Donc à cette époque, ils se contentaient de s'associer au courant Bonapartiste, en considérant Napoléon comme l'héritier de la Révolution - même s'il était devenu lui-même un Monarque entre temps !
La Grande-Bretagne avait vraiment pris beaucoup de temps après la "mort officielle" de Louis XVII (le 8 juin 1795), pour accepter le Comte de Provence sur son sol (à Gossfield Hall dans l'Essex en premier en 1807, puis à Hartwell House dans le Buckinghamshire sous le nom de "Comte de Lille"). Il fut finalement accepté pour des raisons humanitaires, parce qu'il avait été expulsé de Russie, juste après le Traité Franco-Russe de Tilsitt en 1807. Et ce fut la même chose pour sa reconnaissance effective en tant que nouveau Roi de France, sous le nom de Louis XVIII : avant le 12 mars 1814, par exemple, la Grande Bretagne était encore réticente à l'accepter pour remplacer Napoléon Ier. Comme la Grande-Bretagne avait sauvé Louis Charles "Capet" (Louis XVII - 1785 - 1860 en fait) de la Prison du Temple, avec l'intervention inopinée du Comte de Courtenay et de Miss Barett, son assistante des Services Secrets Britanniques, elle hésitait dans son choix !
Le fils de Louis XVI était abrité dans le Nord-Est de l'Angleterre, suffisamment loin des côtes françaises, comme un Lord local ("Nay étant sous les ombres" comme prédit par Nostradamus dans le Quatrain V-41). Et il était maintenant appelé Charles (ou Charlie) par sa très jolie petite amie anglaise. Il avait trouvé l'amour là-bas, et il n'avait pas envie de revenir en France. Ile ne souhaitait pas à cette époque être le Roi de cette terrible nation, qui l'avait traumatisé étant enfant, et qu'il considérait comme un pays coupe-gorges où tout le monde s'enviait et se haïssait. Il avait juste observé que cette société qu'il avait pensée sans foi ni loi, était périodiquement secouée par l'étrange mouvement de yoyo de l'antique Loi du Talion (Ancien Testament). Néanmoins, avec le travail du temps son opinion changea un peu par la suite. Mais il demeure qu'il considérait, que la France pouvait être un pays infernal pour n'importe quel gouvernant !
Louis XVIII étant laborieusement et par défaut reconnu comme le successeur de son frère Louis XVI (1754 - 1793 ?), les choses s'arrangèrent finalement avec les Britanniques et le Duc de Wellington. Cependant, l'agitation politique en France rendait la situation difficile. "La Chambre Introuvable" est le surnom que Louis XVIII donna lui-même à la Chambre des Députés au début de son règne, quand il ne pouvait trouver aucune majorité claire en faveur de son gouvernement. Il avait accordé une Charte constitutionnelle à la France le 4 juin 1814, qu'il essaya de respecter dans une volonté durable d'apaisement et de réconciliation. Si tout semblait aller au début avec une énorme majorité de Royalistes, le nombre des Ultras apparut rapidement trop important face aux Modérés (370 sur 402). Et cette Chambre voulait imposer ses vues au Roi et à son gouvernement, ce qu'il n'aimait pas. Il prit finalement le risque de la dissoudre le 5 septembre 1816...et il gagna : la nouvelle Assemblée des Députés des Départements fut plus modérée et facile à manier pour lui. Et la Charte de 1814 put finalement être mise pleinement en vigueur, avec la fin des lois d'exception !
A titre d'épilogue, il doit néanmoins être remarqué que Louis XVIII ne fut jamais libre de ses mouvements et de ses choix politiques. En effet, le passé réapparut rapidement dans sa vie avec l'arrivée de Zoé Bashi du Cayla, née Talon (1785 - 1852). Elle était la fille d'Omer Talon, l'ancien Lieutenant Civil du Châtelet à Paris, c'est-à-dire le procureur de cette cour de justice. C'est justement Talon qui eut à connaître de la plainte du Baron Jean de Batz (1754 - 1822) concernant l'insurrection des 5 et 6 octobre 1789. Cela démarra bien avec la mise en cause évidemment du Duc d'Orléans (1747 - 1793), du Marquis de la Fayette (1757 - 1834), et de Madame Beauprez (en fait Madame Girard), qu'il étendit d'ailleurs ensuite au Comte de Mirabeau (1749 - 1791) et à Camille Desmoulins (1760 - 1794), le "Cicéron bègue" de la Révolution et le comparse de celui qui devint Philippe Egalité !
Mais il ne put mener sa tâche à bonne fin, car il fut poussé à démissionner pour sa propre sécurité, étant lui-même mêlé à la ténébreuse affaire "De Favras", où était impliqué le Comte de Provence ! Pour résumer, l'opération planifiée de kidnapping de Louis XVI et de sa famille par le Marquis Thomas de Mahy de Favras (1744 - 1790), premier lieutenant des Gardes Suisses du Comte de Provence à la fin de 1789, aurait plus ou moins visé à tuer "accidentellement" le Roi et son fils, qu'à les mettre à l'abri dans la région de Lille. De Favras eut la particularité d'être pendu après son procès en 1790, et donc pas guillotiné. Et à son sujet, il doit être souligné qu'Omer Talon l'avait convaincu de ne pas dénoncer le Comte de Provence, frère du Roi Louis XVI !
L'histoire d'amour entre la Comtesse Zoé du Cayla et Louis XVIII débuta en 1817, après qu'elle soit venue aux Tuileries pour demander sa protection, concernant la garde disputée de ses enfants. Il tomba immédiatement sous son charme exquis. Et il réserva rapidement ses mercredis pour Zoé, et eut souvent des "soirées poivrées" en sa compagnie, selon sa propre expression ! Sa santé n'était pas très bonne cependant car il était obèse et avait des douleurs dans les pieds : il souffrait de la goutte. Pourtant une autre explication, moins traditionnelle de son lien avec Zoé, est liée à une lettre secrète en sa possession en provenance de son père, Omer Talon, signée par De Favras impliquant Louis XVIII (en tant que précédent Comte de Provence) dans l'affaire du même nom. Ces détails sont importants parce que Zoé du Cayla a aussi été une sorte d'espionne du frère du Roi, le Comte d'Artois (1757 - 1836), Chef des Ultra-Royalistes. Et Zoé eut une influence reconnue sur les décisions de Louis XVIII, en tant que favorite !
Le 14 décembre 1821, l'année d'après l'assassinat par le Bonapartiste Louvel (1783 - 1820) du fils du Comte d'Artois, le Duc de Berry (13 février 1820), Louis XVIII choisit finalement le Leader des Députés Ultra-Royalistes, Joseph de Villèle originaire de Toulouse, comme Ministre des Finances. Puis, en septembre 1822, il devint son Président du Conseil, en tant que Comte de Villèle, tout en restant aux Finances. Absent de France durant la Révolution car il était officier de marine, il était devenu entre temps, en 1813, membre des "Chevaliers de la Foi", une très influente société secrète royaliste créée en 1810. Ainsi, le célèbre écrivain et homme politique, François-René de Chateaubriand (1768 - 1848) en fut également membre. Fondée par Ferdinand de Bertier de Sauvigny (1782 - 1864), cette société secrète s'est apparemment auto-dissoute en 1826, après son succès dans l'avènement et l'établissement de la Restauration...ou même à sa mort le 5 septembre 1864 !
Cet Ordre secret de Chevalerie fut directement modelé sur la Franc-Maçonnerie, et il avait cinq niveaux (les Associés de Charité ce qui lui donnait l'apparence d'une congrégation religieuse, les Ecuyers, les Chevaliers, les Chevaliers Hospitaliers, et les Chevaliers de la Foi), plus un terminal : le Conseil Supérieur des Neuf, qui comptait justement De Villèle ! Extrêmement compartimenté, les membres du bureau ne se connaissaient pas jusqu'à ce qu'une réunion spéciale ait lieu. C'est cette organisation qui accueillit le Duc de Wellington à Bordeaux le 12 mars 1814 au nom de Louis XVIII, pour succéder à Napoléon Ier le mois suivant...plutôt que le potentiel et trop jeune candidat de l'Autriche, Napoléon II (1811 - 1832) ! Pour en revenir à De Villèle, ses connaissances ésotériques l'aidèrent sans doute à combattre avec succès les Carbonari (une société secrète d'origine italienne), qui en France ont fini par s'auto-dissoudre après l'échec de la tentative d'insurrection des Quatre Sergents de La Rochelle en 1822. Très contradictoirement, cette organisation secrète qui avait combattu Napoléon en Italie, accueillait les opposants bonapartistes à Louis XVIII en France !
Au pouvoir, De Villèle, en tant que grand Leader des Députés Ultra-Royalistes, apparut très paradoxalement être plus modéré que les autres Ultras lorsqu'il travailla avec Louis XVIII. Il connut le succès dans sa double position pendant plusieurs années, et le pays connut une période de prospérité sans précédent - Agriculture comprise cette fois-ci. De Villèle utilisa ainsi la Caisse des Dépôts et Consignations, créée en 1816 pour financer de grands projets industriels, comme la rénovation du port de Dunkerque. Et la Caisse d'Epargne (datant de 1818) fut aussi un très bon instrument de sa politique financière : encore très importante de nos jours comme la précédente institution financière mentionnée, elle fut également créée sous la Restauration pour le bien public, c'est-à-dire pour aider les familles modestes à épargner leur argent et à accroître leurs avoirs !
D'un point de vue militaire, la France redevint une grande puissance militaire après l'intervention en Espagne qu'il ordonna en 1823, afin de soutenir les Bourbons d'Espagne. La campagne fut rapide (seulement quelques mois), efficace, et puissante comme il le voulait, avec la capture du Fort du Trocadéro dans le port de Cadix : il y a deux cent ans, cette grande victoire fut célébrée en France, et donna son nom au Quartier du Trocadéro à Paris ensuite. La France était à nouveau soudainement importante dans le Concert des Nations, ce qui apparut tellement sidérant à cette époque ! Et il doit être remarqué que De Villèle demeura avec des pouvoirs inchangés même après la mort de Louis XVIII en 1824, sous son successeur Charles X (précédemment Comte d'Artois) jusqu'en 1828 !