Thursday, April 2, 2020

Histoire uchronique VI : dans la Prison de la Conciergerie, une fleur peut en cacher une autre !

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique, Ph. D
traduit et adapté de l'anglais et de l'italien par lui-même
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Après les versions anglaise et italienne de notre récit, respectivement publiées sur "Global Politics and Economics" les 30 août 2019 ("Uchronic history VI : in the Conciergerie Jail, a flower can hide another one ! ") et 1er novembre 2019 ("Storia u-Cronaca VI : nella Prigione della Conciergerie, un fiore puo' nasconderne un altro ! "), voici leur traduction et adaptation tant attendues en français.

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Durant la nuit du 1er au 2 août 1793, autour de quatre heures du matin, la Reine Marie-Antoinette fut transférée de la Prison du Temple à l'angoissante "Prison des Condamnés", la Conciergerie.

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Ce nouvel article pourrait vous émouvoir davantage que d'habitude, parce que nous allons révéler des détails-clés sur l'un des mystères les plus sensibles de l'Histoire.
Nous ne voulons pas vous bouleverser, mais cela peut arriver !
Comme il y a plusieurs parties dans notre article, vous pouvez faire une pause si vous vous sentez un peu sans dessus dessous.
C'est aujourd'hui - le vendredi 30 août 2019, NDLR - le 226ème anniversaire de l'évasion de la Reine Marie-Antoinette de la Prison de la Conciergerie à Paris : il s'agit d'un événement "seulement pour vos yeux" (resté top secret donc).
Il a impliqué non seulement le Baron de Batz qui fut accusé après coup d'avoir été son organisateur suprême, mais aussi plusieurs autres acteurs inattendus dans une situation très embrouillée et si périlleuse.
En prenant connaissance d'éléments-clés qui vont vous être révélés, vous serez en mesure de vous faire votre propre opinion, bien sûr.
Mais en premier lieu, préparez-vous à quelque chose que vous n'auriez absolument jamais imaginé s'être déroulé ainsi !

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Beaucoup de gens ont lu "Le Chevalier de Maison-Rouge", publié par Alexandre Dumas en 1846. Dans ce roman historique, après avoir échoué à sauver la Reine dans la Prison du Temple à Paris, il se cachait dans la "Maison Dixmer", et voulait encore une fois tenter de la sauver...
Le vrai nom de ce Chevalier, qui fut un acteur controversé de la Révolution Française, était Alexandre Gonsse de Rougeville (1761 - 1814). En fait, Dumas a changé le nom de "De Rougeville" en "De Maison Rouge", à sa requête personnelle.
Mais depuis le tout début, il y avait une confusion notable entre deux personnages historiques : cet homme, et le Baron Jean de Batz (1754 - 1822).
Cette confusion vint probablement de l'opération de sauvetage de la Reine, à la Prison de la Conciergerie justement, qui impliqua comme organisateur parallèle notre chanceux Baron, parfois aussi appelé Jean-Pierre de Batz. Nous parlons bien sûr de l'imbroglio estampillé "Conspiration de l'Oeillet".
Dans cette nouvelle prison, la Reine fut complètement isolée, car ses enfants et sa belle-soeur Madame Elisabeth (1764 - 1794) étaient restés à la Prison du Temple, après la séparation effective du 2 août 1793.
La cellule actuelle montrée aux touristes à la prison de la Conciergerie n'est pas précisément la sienne, parce que la conformation des lieux a été complètement modifiée depuis lors.
Difficilement abritée derrière un paravent, la Reine était surveillée jour et nuit par deux gardes. Son seul mobilier était un fauteuil de canne, deux chaises, une simple table et un petit lit.

Une autre confusion venait du fait que, la soit-disant "Conspiration de l'Oeillet" ait été attribuée au Baron de Batz.
En réalité, l'idée originale est venue de façon surprenante du Comité de Salut Public, pour des raisons de haute politique.
En effet, c'était seulement un subterfuge visant à discréditer davantage la Reine avant sa mort planifiée, en utilisant le malchanceux et un peu naïf De Rougeville : il se démènerait en vain pour une illusion de sursaut.
Mais par dessus tout, c'était une façon d'en finir avec la légende de Sauveur du Baron de Batz, qui n'aurait pas la possibilité de faire quoi que ce soit !
Ce plan tortueux et cruel prévoyait de laisser d'abord De Rougeville approcher la Reine et lui proposer de s'évader, pour refermer le jeu sur elle au dernier moment !
En tant que Maître-Espion, le Baron de Batz qui était au courant du projet de De Rougeville, sentit que quelque chose n'allait pas la conception de son plan : il lui paraissait être à courte vue, et trop facile. Et il doit être ajouté aussi, qu'il se sentait personnellement défié !
Il savait que cet ancien "Chevalier du Poignard" était certainement un homme d'action, même s'il le considérait comme impressionnable et quelque peu imprévoyant.
Il pensait d'ailleurs que dans cette circonstance, il était vraisemblablement manœuvré par son compatriote d'Arras : Maximilien de Robespierre (1758 - 1794).
C'est pourquoi, il décida de piéger ce dernier ainsi que son Comité, dans leur fausse "Conspiration de l'Oeillet".
Après tout, cela lui fournissait l'opportunité inattendue qu'il recherchait pour sauver la Reine, avec un plan simple mais ingénieux : court-circuiter le Comité avec une intervention anticipée, en utilisant toutes les facilités artificiellement créées par ce même Comité pour le succès de sa contre-opération.
Simultanément, l'avantage pour lui était qu'il resterait fidèle à sa légende !

De Rougeville visita Marie-Antoinette le mercredi 28 août 1793, avec l'Inspecteur des Prisons et Chef de la Police Jean-Baptiste Michonis (1735 - 1794), qui était aussi membre de la Commune de Paris et limonadier. A cette occasion, De Rougeville laissa tomber au sol un tout petit message dissimulé derrière les deux œillets de sa boutonnière, où il lui proposait de s'évader.
Et c'est ainsi que très naturellement ces fleurs donnèrent leur nom à la "Conspiration", qui était en réalité déjà en train d'être piratée par le Baron de Batz. Mais, il n'apparaît pas que De Rougeville s'en soit rendu compte : il prenait le Baron de Batz pour un très riche banquier Royaliste essentiellement, et pas pour un maître d'œuvre. D'ailleurs, il pensait qu'il n'avait pas besoin de lui, car ses économies (400 Louis d'or et un grand nombre d'assignats) lui paraissaient suffisantes pour acheter les gardes.
Or, juste avant cette surprenante visite, la Reine Marie-Antoinette avait eu vent que De Batz préparait quelque chose : le changement d'attitude de ses deux gardes les plus proches et les paroles qu'ils avaient laissées s'échapper, montraient qu'il les avait tout simplement achetés parmi d'autres personnes, en cette période de disette. Et elle avait éperdument confiance dans le Baron.
C'est pourquoi, elle fit un signe discret d'acquiescement à De Rougeville lors de cette fameuse visite, pour lui montrer qu'elle acceptait de s'échapper, cette fois-ci.
Le même jour, l'un des gardes lui dit d'ailleurs de se préparer pour "la répétition de vendredi soir à 11 heures et demie".

"Le prochain vendredi soir" était le 30 août 1793, et non la nuit du lundi 2 au mardi 3 septembre 1793, planifiée par De Rougeville et Michonis durant leur nouvelle visite du même jour.
Elle était un peu déroutée, mais elle pensait que quelqu'un cherchait à garantir le succès de l'opération.
Quoi qu'il en soit, durant la nuit elle put passer tous les guichets sans incident... et même la sortie qui donnait sur la rue. Elle était si délicieusement surprise de pouvoir faire quelque pas dans la rue librement, dans l'obscurité !
Quand elle voulut retourner à l'intérieur à la fin de "la répétition", une femme cachée dans l'ombre la stoppa gentiment : elle lui souffla à l'oreille de s'en aller tranquillement en suivant son ami le Baron, qui était à côté d'elle .
Il allait être minuit. Et cette femme qui lui ressemblait beaucoup et était habillée comme elle, entra alors dans la Prison de la Conciergerie à sa place : c'était Cornélia (Cornélie) de Galéan, qui était prête à donner sa vie pour la Reine.
Le plan de génie de De Batz avait été de greffer sa propre intervention sur la fausse "Conspiration de l'œillet" du Comité, en utilisant intelligemment les facilités créées pour l'occasion. C'est pourquoi, il avait procédé à cette Substitution avec un Sosie, juste avant la mise en œuvre du projet de De Rougeville et de Michonis.
En même temps, il avait planifié de laisser De Rougeville essayer de sauver la fausse Reine, Cornélia de Galéan. Et s'il réussissait miraculeusement cette fois-ci, elle aussi pourrait finalement être rescapée, même si elle était prête à mourir à la place de la Reine.
De cette façon, elle ne serait restée que trois jours entiers à la Prison de la Conciergerie !

La nuit du lundi 2 au mardi 3 septembre 1793, De Rougeville et Michonis revinrent pour leur opération. Tout semblait se passer à merveille ; ils purent passer tous les guichets très facilement avec la prisonnière, jusqu'à la grille de la sortie. Elle donnait sur la "rue de la Barillerie", maintenant appelée "Boulevard du Palais" (depuis 1864)...et sur la Liberté.
Mais le garde changea soudainement d'avis et empêcha la fausse Reine de sortir.
De Rougeville et Michonis insistèrent pour qu'elle puisse sortir dans la rue selon leur plan, mais il refusa obstinément. Eux, ils pouvaient s'en aller ensemble, mais la "Citoyenne Capet" devait être ramenée à sa cellule !
De Rougeville pensa immédiatement qu'il n'avait pas donné assez d'argent au garde.
Quoi qu'il en soit, le fait est que De Rougeville et Michonis abandonnèrent !
Et le 3 septembre 1793, ce garde fit un rapport de l'incident à son supérieur, qui informa à son tour le Comité de Salut Public. La soit-disant "Conspiration de l'Oeillet" était amenée en pleine lumière, même si c'était une fausse, et le jeu semblait terminé.
C'est aussi la raison pour laquelle l'intervention de De Rougeville n'est pas proprement considérée comme une vraie par quelques historiens, qui doutent de sa réalité.
Ils peuvent, car s'il avait utilisé la force comme à son accoutumée, il aurait probablement pu sortir et s'enfuir avec la fausse Reine (donc pas la vraie Marie-Antoinette).
A sa décharge pour ce second échec, il semble qu'il ait été complètement cloué sur place par l'attitude autoritaire du garde, qui fut si soudaine et si définitive.





Pour conclure, le dernier garde avait fait semblant d'être acheté, selon le scénario mis en place. Et le Comité de Salut Public, après une rapide vérification, célébra l'échec de sa fausse "Conspiration de l'Oeillet" en riant à gorge déployée, totalement certain que la Reine ne s'était pas échappée de son mauvais tour !

Chose étrange, De Batz fut ensuite accusé d'avoir été son organisateur suprême, et donc ni le Comité évidemment, ni De Rougeville directement. Pourtant, Michonis, rapidement arrêté quant à lui comme complice, finira guillotiné le 17 juin 1794.
Et presque quarante jours après le soit-disant "échec" de cet embrouillamini, le 12 octobre 1793, la prisonnière fut interrogée sur sa "trahison" de la Nation et sur "son" fils, et on lui dit brutalement qu'elle serait jugée trois jours plus tard, le 15 octobre 1793.

Rapidement condamnée à mort, elle fut exécutée le 16 octobre 1793 à 12 heures 15 au lieu du matin. En effet, Robespierre, Maître du Comité, voulait éviter l'ennuyeuse mésaventure du 21 janvier 1793 à propos du Roi et de son Sauveur de dernière minute le long du "52 rue de Beauregard" à Paris, le Baron de Batz.
Pourtant à sa grande surprise, le Baron ne fit aucune apparition et il commença à se demander pourquoi, en craignant de façon soudaine d'avoir commis une énorme erreur !

Il avait tout à fait raison de penser ça, parce que Jean de Batz n'avait aucune raison d'intervenir pour sauver une Reine déjà sauvée !
La fausse "Conspiration de l'Oeillet" avait en fait été doublée très astucieusement par son opération anticipée de Déception : la "Contre-opération des deux Oeillets", où Robespierre et ses acolytes s'étaient faits complètement avoir !

En tant qu'épilogue uchronique, la seconde "Cornélia de Galéan, Marquise de Janson" (1755 - 1834), alias Marie-Antoinette mourut naturellement à 79 ans à Paris, alors que la Révolution était terminée, et que Robespierre et ses plus proches comparses avaient été guillotinés depuis longtemps !
L'Histoire peut vraiment être si ironique parfois !

Bien sûr, il vous appartient de penser et de repenser à cette "Black Op" du Baron de Batz, qui fut si étonnante. Mais souvenez-vous qu'un œillet blanc peut facilement cacher un autre œillet blanc, pour des raisons évidentes de succès, quand l'honneur et la renommée d'une légende vivante sont défiés !
"L'homme invisible" comme le surnommait Robespierre, avait encore frappé !