Thursday, November 19, 2009

Le déconstructivisme global : l'art s'applique aussi à la politique et à l'économie

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique

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En ce moment même, nos dirigeants politiques semblent vouloir démonter la société comme un jeu de lego. Là il ne s'agit pas de construire quelque chose de solide, mais au contraire de "solidifier la déconstruction".
Est-ce de l'art appliqué ? D'une certaine manière, sans doute. Car il paraît tout à fait logique d'envisager le "déconstructivisme" actuel comme une forme politique de l'art du même nom théorisé à la fin du XXème siècle par le français Jacques Derrida (1930-2004) : il se caractérise par son irrationnalité désordonnée en rupture avec l'histoire et la société, en cette époque nouvelle où souffle le vent polaire septentrional (le puissant vent d'Aquilon).
Après tout, il y eût bien le Constructivisme russe dans les années Vingt - pendant l'entre deux-guerres -, alors pourquoi pas le "Déconstructivisme" des années zéros ! Si l'un était à mettre en parallèle avec le Suprématisme, l'autre aurait plus à voir avec la perte totale de repères et une approche délibérement destabilisante de la post-modernité. A l'"homme nouveau" ou à la "femme nouvelle" du premier succèdent les "êtres codes-barres" ou les "impressions d'écran" du second.
Vu sous l'angle du tricot, c'est un peu comme si on tirait sur un fil de laine, pour n'avoir plus de pull en fin de course. On n'aurait pas forcément une pelote de laine à la fin du processus, car il faudrait soi-même l'enrouler à temps. En réalité, l'on obtiendrait plus certainement un parfait embrouillamini de laine épars. Formidable n'est-ce pas, les joies ludiques de l'éveil !

La pire crise depuis 1929 a, paraît-il, été gérée de mains de maîtres. Sur le plan virtuel des images, c'est certain : c'est un très grand succès. Mais quant à la réalité quotidienne tangible de tout un chacun, on serait plus dans l'univers cauchemardesque de Kafka, que dans l'amusement du vaudeville à la Courteline.
La mise en place des prémisses de l'"Etat-monde" avec le G20, et la version annoncée d'un "FMI 2011" lors du sommet de Pittsburgh (24 et 25 septembre 2009), n'a encore rien résolu de concret : les accords relatifs aux nouveaux droits de vote de la Chine ou de certains pays émergents notamment, restent sujets à interprétations byzantines, et donc difficiles à mettre en place. On reste dans la déconstruction.
Le sommet du G20 des ministres des finances, qui s'est déroulé à Saint Andrews (Ecosse), les 6 et 7 novembre 2009, visait à trouver des moyens pour réduire les déséquilibres de l'économie mondiale. Il a achoppé sur des désaccords tenant au principe de réalité : qu'on le veuille ou non, il existe d'inévitables inégalités de taille et de fortes disparités entre les différentes économies de la planète. Certains ont cependant qualifié ce sommet de la surveillance multilatérale en collaboration avec le FMI justement - sorte d'embryon d'un "super-ministère des finances mondial" - de sommet de "sortie de crise" : c'est même virtuellement, un peu trop rapide
En tout état de cause, la question du "timing" dans l'arrêt des mesures de relance a été clairement abordée, et celle récurrente des bonus rappelée.

L'apport essentiel des G20 successifs a été d'offrir un répit intelligemment utilisé aux Etats-Unis, en permettant de "donner le change", au sens figuré et au sens propre, dans un contexte difficile montée du chômage (10,2 % de la population active désormais).
Pour autant, certaines puissances sont clairement passées du statut réel au statut virtuel, et inversement en ce qui concerne la Chine particulièrement. Le Royaume-Uni et le Japon ont ainsi beaucoup perdu dans cette transition historique, à l'heure où des banques italiennes rachètent des banques suisses. Et pour ce qui concerne la France, et aussi un grand nombre d'Etats, persistent de grandes incertitudes teintées d'insécurité sur l'avenir. Pourrions-nous voir dans tout cela de l'art conceptuel ?
Car lorsqu'on avance plus en économie, c'est déjà qu'on recule, en l'absence de secteurs monopolistiques. Mais même pour un pays comme la Russie (1er producteur mondial de gaz, et 2ème de pétrole), par exemple, le découplage des prix observé depuis l'été 2009 peut s'avérer un vrai casse-tête, en termes de pertes ou de manque à gagner. Seule la création de grandes industries de transformation exportatrices, pourrait à l'avenir, aider à contrebalancer ce type de chassés-croisés, en renouvelant la perspective.

Quoi qu'il en soit, ce début de XXI ème siècle est vraiment celui d'un "réarrangement" en trompe-l'oeil, qui masque une véritable rénovation de siècle naissante. Et à défaut de l'Âge d'or, c'est l'âge de l'or qui a déjà commencé.
On fait comme ci ! Tant que l'écran sur lequel se déroulent les images ne s'éteint pas, tout a l'a l'air calme et dépourvu d'anxiété. La seule chose à craindre, ce sont ces fichues coupures de courant qu'on nous annonce, et qui ont déjà commencé. A chaque fois que l'électricité revient, c'est un peu une "réinitialisation" qui se produit.
Un monde meurt sans qu'on s'en aperçoive vraiment, un autre naît subrepticement !

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