Friday, November 20, 2009

L'être, l'étouffement du monde virtuel, et le Quotient d'Abstraction

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique

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Les gens sont de plus en plus des "impressions d'écran", quand ils ne se résument pas à des points invisibles. Pour exister, voire pour avoir le droit d'exister, il faut ajourd'hui être vu, si possible à la télévision, avec son corollaire, la "notoriété bon marché" - et celui moins visible de la recherche d'un subtil culte de la personnalité.

Ce principe nouveau sous-tend toutes les prestations télévisées, des informations aux "reality shows" avec ses nouveaux "people" et ses caractériel(le) s de service, en passant par les débat-prétextes "frontaux", pour l'audience. Ces derniers curieusement, peuvent s'avérer une vraie chance de faire évoluer subitement la société, en dehors ou en dépit de tout téléguidage, pour les "nouveaux centurions" de la vie.

Pour ce qui est des "rebelles" - ou ce qui est censé en approcher - ils sont carrément institutionnalisés, parce qu'ils aident à faire recette. Et cela donne l'impression souvent fausse que la parole est très libre. Ceux ou celles que la télévision elle-même nomme "les bons clients", permettent de crever le plafond de l'Audimat. Et ils aident certains animateurs à envahir notre quotidien pour longtemps. Tout le monde se lâche...pour mieux être tenu dans les faits. D'ailleurs, l'animateur - ou l'animatrice - joue très rapidement le rôle d'un censeur, y compris dans la télé-réalité, pourtant profondément amorale dans les concepts qu'elle promeut. Or le dosage de ce qui est permis ou non, a beaucoup plus à voir avec les retombées attendues y compris en terme de marché de l'image, que de toute autre considération.

"Les Français pensent ceci ou cela, ou encore ça !", nous dit-on constamment.

Qui le dit ? La voix, telle Yahvé parlant à Abraham ou à Moïse ? Non, les incessants et pléthoriques sondages d'opinion.



De même, nous sommes sous le règne effréné des faits divers, dont on peut légitimement se demander si leur mise en exergue permanente n'influe pas sur leur surabondance à venir. Car ils donnent aux télespectateurs l'impression de vivre une autre vie par procuration ; et ils les détournent des vraies questions, qui pourtant engagent leur existence de manière déterminante et fort réelle cette fois-ci.

En nous emprisonnant dans un quotidien souvent sombre, et en nous empêchant de rêver, on fait de nous des êtres soumis à l'étouffement du monde virtuel, et donc plus faciles à manoeuvrer.

Nos désirs et nos espoirs, nous les voyons disparaître inexorablement chaque jour de l'horizon de ce qui devient notre virtualité.

Chacun y va de son avis, en gommant ce qui fait pourtant notre richesse, notre individualité (raison profonde de notre présence sur cette terre). Il ne faut pas faire comme ci, il ne faut pas faire comme ça. Il ne faut pas penser ceci, il faut penser cela. En fait, il ne faut plus penser du tout ! On aligne constamment notre fréquence vibratoire sur ce qu'il y a de plus bas, en nous enfermant dans la prison mentale d'un quotidien fréquemment glauque. "L'être humain, en fait, c'est ça !", pourrait-on en conclure avec tristesse et de façon désabusée.

Tel un gigantesque anaconda qui nous prendrait à la gorge en nous enserrant le corps de plus en plus fort, ceux qui veulent être les maîtres de tout, en singeant Dieu, n'arrivent souvent même pas eux-mêmes à se contrôler. Ils nous étouffent de leur mépris et de leur suffisance ostentatoires, en jouant les hommes - ou femmes - d'action de l'inutile. S'estimant au dessus de la masse "stupide et inconsistante", ils se voient comme les nouveaux "demi-dieux" de notre époque.



Y-a-t-il une fatalité humaine qui ferait que l'homme ou la femme ne pourraient pas vivre quelque chose de magnifique, de réel et de persistant ? Non à la vérité, à moins que ce ne soit pas le but recherché.

Ne soyons pas des individus qui deviennent ce qu'on leur fait croire, mais à l'opposé ce que nous croyons nous-mêmes dans notre être profond, une fois débarassés des parasitages et des codes-barres extérieurs !

Soyons des évadés de l'omniprésence du virtuel, même de façon furtive, et repartons d'un pas décidé à l'assaut du réel et du tangible !

Le "déconstructivisme", dont nous avons parlé dans notre précédent article, parce qu'il se veut créatif en cherchant à réaliser l'impossible, est peut-être une chance finalement. Profitons sans embages de cette phase historique de déconstruction, qui ouvre pour un temps seulement des espaces de liberté inattendus !

Et de ce provisoire inédit, faisons quelque chose de plus durable ! Les "déconstructeurs" n'ont pas pensé à tout, et ils sont même un peu dépassés par ce qu'ils instaurent ou suscitent, du fait d'un manque de clarté dans leur conceptualisation trop hâtive.

Après le règne du Q.I. (Quotient Intellectuel), et celui, très bref, du Q.E. (Quotient Emotionnel), entrons dans celui du Q.A. ("Quotient d'Abstraction") qui mesure l'amplitude de liberté que s'accorde ou parvient à conquérir un individu, par rapport au "politiquement correct" et au formatage. Il s'applique à tout.

Et il peut se définir comme une aptitude primale à s'abstraire mentalement ou physiquement d'un quotidien oppressant, ennuyeux ou imposé de l'extérieur, en retrouvant la puissance de son moi fondamental, dans l'expansion de son essence naturelle.

Ce talent inné - ou à acquérir -, nous dispose à mieux faire face à l'optimisation sous contrainte qu'est l'économie, et à être plus heureux, même dans un monde dysharmonique. Il est fondé sur la restauration de la mémoire de ce qui fut et l'espoir de ce qui peut à nouveau être : soi-même.

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