Tuesday, November 22, 2011

2012 : de chaudes élections en vue. ..au Lesotho, "le royaume dans le ciel" !

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique
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Le Lesotho est un petit pays d'Afrique Australe relativement peu connu, ou parfois connu sans le savoir. Car il a la particularité de partager le massif du Drakensberg à l'est, avec la République d'Afrique du Sud, dans laquelle il est totalement enclavé. Le Drakensberg évoque en effet pour des millions de gens du monde entier l'aboutissement final des arches abritant les rescapés du 21 décembre 2012, dans le film éponyme "2012" de Roland Emmerich (2009). Mais ce n'est qu'un film d'anticipation.
Quoi qu'il en soit l'altitude la plus basse du pays est d'environ 1400 m. Son niveau le plus bas est donc le plus élevé du monde. On l'appelle "le royaume dans le ciel" parce que son sol y surplombe les nuages. Et son sommet, le Thabana Ntlenyana culmine à 3482 m dans la partie orientale justement. C'est ce qui explique peut-être le choix du réalisateur hollywoodien. Là l'hiver austral connaît de violents orages.

Il faut savoir que du fait de son caractère très montagneux, il n'y a guère de vraies routes ni de chemins de fer, et que l'essentiel de la circulation se fait à cheval ou à pied. C'est quelque chose à savoir pour les milliardaires habitués au luxe. Cependant le paysage est vraiment magnifique et vaut le détour.
Sa superficie de 30 455 km2 est très proche de celle de la Belgique (30 510 km2), pour une population d'un peu plus de 2 millions d'habitants (contre 10,7 pour la Belgique). Mais la courbe de la mortalité des adultes a tendance a rejoindre celle de la mortalité infantile, du fait du SIDA qui touche plus de 25% d'entre eux : l'espérance de vie a d'ailleurs chuté à 40 ans.

Comme pour un certain nombre de pays, l'année 2012 marque un renouvellement de la vie politique avec des élections.
Mais depuis l'indépendance du pays accordé par la Grande-Bretagne en 1966, à l'ancien Basutoland, devenu le royaume du Lesotho, cette nation a connu pas moins de trois drapeaux. Les soubresauts politiques rythment donc cycliquement la vie de ce pays montagneux pourtant d'apparence assez paisible.
La profession la plus secouée est celle de ministre, à la fois du fait des oppositions classiques, des remaniements ministériels soudains, mais aussi d'une certaine insécurité physique.Ce sont eux qui subissent le plus d'attaques, dans tous les sens du terme, même si c'est généralement sans gravité.

Le Lesotho est une monarchie constitutionnelle sur le modèle britannique, où l'essentiel du pouvoir est détenu par le Premier Ministre. Ce pays est d'ailleurs membre du Commonwealth. Depuis 1996, son roi est à nouveau Letsie III (né en 1963), à la mort de son père Moshoeshoe II (né en 1938, et roi de 1966 à 1990, puis à nouveau de 1995 à 1996, après l'exil de son fils). Eh oui, la politique est assez embrouillée au Lesotho, avec les coups d'Etat ou les accidents de voiture au bord de précipices - ce qui est exceptionnel compte tenu de la rareté des routes aux alentours de Maseru, la capitale !
Le Sénat compte 33 membres nommés pour 5 ans, dont 22 chefs traditionnels, et onze sénateurs désignés par le roi après avis du Conseil d'Etat. Il est à renouveler en février 2012.
L'assemblée nationale compte 120 membres élus au suffrage universel direct pour 5 ans, dont actuellement 29 femmes. Elle est à renouveler en mars 2012 normalement.

Il y a trois grands partis, le LCP (Lesotho Congress for Democracy) actuellement dirigeant, le BNP (Basotho National Party) et le BCP (Basotho Congress Party). Et ce tripartisme - sans omettre les cinq autres partis -, pose problème de façon renouvelée. Un "comité de veille et de suivi" a d'ailleurs été mis en place par l'ONU cette année pour les prochaines élections de 2012, afin de faire face en cas de nécessité. On espère donc des élections pacifiques et crédibles, différentes des élections controversées de 2007 avec la question de la distribution des sièges au Parlement de Maseru. La médiation nationale est portée par le Conseil Chrétien du Lesotho (la population est chrétienne à environ 80%) et la Communauté de Développement de l'Afrique Australe. L'importance des catholiques (40%) explique la venue du Pape Jean-Paul II en 1989, mais des troubles avaient eu lieu avec le détournement d'un autobus qui comptait 71 pélerins.

Après avoir subi comme le monde entier la crise financière de 2008, ce pays a retrouvé les voies de la croissance (5,6 % en 2010) du fait de la hausse du prix du diamant-valeur refuge (mines réouvertes) et des grands projets hydro-électriques. Et l'on estime qu'en 2012 son déficit budgétaire devrait à peine dépasser les 3%. L'agriculture (sur 15% du territoire) et la filière textile - très dépendante de la demande américaine - joue un grand rôle dans son PIB. L'eau du fleuve Orange qu'il exploite avec l'Afrique du Sud, du nord au sud-ouest du pays, et l'excédent en devises à hauteur de 40% du PIB - envoyées par ceux nombreux qui travaillent en Afrique du Sud -, sont ses points forts. Son hydro-électricité assure déjà son indépendance énergétique. Cette année a commencé la construction d'encore un nouveau barrage, celui de Metolong, qui sera terminé en 2013, et la grande perspective d'ici 2020 est le Projet de mise en valeur des Hautes Terres du Lesotho au nord. La monnaie est le loti qui vaut environ 0,10 Euro (à peu près comme le rand sud-africain).
Mais, ce petit pays, qui a su naguère éviter l'apartheid sud-africaine grâce à l'ancien protectorat britannique, reste si dépendant de son puissant voisin (l'Afrique du Sud), que certains à Maseru militent pour qu'il devienne sa dixième province.





On le voit, l'hypothèse du film de Roland Emmerich pour 2012 tomberait assez mal, compte tenu de la tradition des chaudes élections au Lesotho et des remous qui s'ensuivent. Les rescapés des éventuelles arches risqueraient d'arriver "comme des cheveux sur la soupe". Mais peut-être n'y aura-t-il pas trop de "rififi" cette fois-ci, pendant et après les élections de 2012 ?

Egalement, les Lesothans n'ont sans doute pas forcément envie d'être envahis, même de cette manière. Leur histoire par rapport aux Zoulous et aux Boers a toujours été de préserver farouchement leur indépendance. Et c'est la raison pour laquelle les minorités Zoulous ou Boers, mais également chinoises et pakistanaises, doivent parler l'une des deux langues officielles du pays, le sesotho ou l'anglais.

Le sesotho possède un alphabet latin introduit par les missionnaires chrétiens protestants. Une particularité est que le "l" se prononce "d". Normalement ce que Roland Emmerich a prévu dans son film n'est que de la fiction, mais à tout hasard, donnons quelques termes usuels. "Bonjour" et "Comment ça va ? " se disent respectivement "lumela" (dumela) et "u phela joang ?", et "léopard" se traduit par "nkoe". Un autre mot fort utile pour un premier contact inopiné est sans doute "khotso" (paix), qui figure dans la devise du pays, "Paix, pluie et prospérité". Enfin "au revoir" se dit "sala hantle" !

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