Monday, May 17, 2010

Fourberie-sur-Seine IV : les cocasses facéties d'un destin capricieux

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique

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A Fourberie-sur-Seine, les gens font souvent des têtes d'enterrement ; mais, c'est là leur état naturel. Ne les dérangez pas dans leur trouble et tergiversations capricieuses ! Pensez qu'ils sont concentrés sur autre chose, et retirez-vous de leur focalisation ...ou de leur naufrage. S'ils piaffent d'impatience comme des "rhinocéros" prêts à charger, c'est peut-être parce qu'ils vont le faire : écartez-vous ! De même observez : perdent-ils leur souffle, en manquent-ils ? Laissez-les éructez et s'épuiser tous seuls. C'est leur manière à eux de reprendre leur esprit.

Ils fonctionnent avec un gigantesque réseau de désinformation. Mais il leur arrive fréquemment de s'empêtrer eux-mêmes dans les contradictions d'un "système" désormais usé et si malmené. A force de s'habituer à tricher et à mentir, ils ne savent plus très bien où ils en sont. Car il leur faut d'abord déterminer la source de telle ou telle rumeur, pour savoir si ce n'est pas tout simplement...eux qui l'ont propagée. Mais il est déjà trop tard, car leur nature factice est devenue nolens volens une seconde nature qui leur colle à la peau, sans qu'ils ne puissent plus jamais s'en défaire. Or il leur est ensuite quasiment impossible de retrouver leur état initial, et ils se mettent inéluctablement à attirer à eux des gens à leur semblance. Et toute leur vie ne sera plus faite que de ça, inlassablement - au rythme du tangage de la nef d'Isis, symbole méconnu de la ville.

C'est l'heure du triomphe éphémère de leur cinéma : le cinéma insipide, glauque, et riche d'émotions faussées des anges de l'abîme. Nous avons récemment rencontré à l'occasion d'une impromptue grève de RER, une de ces réalisatrices locales qui se voyait déjà obtenir la palme d'or à Cannes, avec un simple script destiné au tournage sans cesse repoussé d'un "chef d'oeuvre" - dont elle n'avait pas encore trouvé le titre ni même les acteurs. Elle était en plein casting...pour son film au thème indescriptible qui devait révolutionner le cinéma cannois post tsunami. Tout ce qui veut briller n'est certainement pas or. Et à l'opposé, même un diamant brut ressemble à un simple caillou sans valeur, pour celui ou celle qui ne le voit pas.

Ces êtres s'emprisonnent eux-mêmes dans un univers binaire d'envies soit-disant inaccessibles, et paient quotidiennement les conséquences de leurs attentes téléguidées par une indécrottable et factice opposition capitale/banlieue. Tous ces gens qui se ressemblent tant dans leur for intérieur deviennent ainsi le jouet d'un capricieux fatum. Leur monde est devenu à leur image, parfaitement niais et biaisé - en étant souvent le curieux théâtre d'une "possessive" force centrifuge qui tend à séparer et à disloquer. C'est une addiction à laquelle bien peu d'entre eux pourront dire stop. Comme quoi, il y a bien une justice immanente ! Et le plus amusant dans tout ça, c'est que ces personnes qui se voient si "compétitives" et si "futées", seront les mêmes à "se faire avoir" par un plombier qui gonfle ses factures, un livreur qui ne monte pas à l'étage, un avocat peu scrupuleux arrivant sur la fin impromptue de son mauvais exercice, ou un garagiste malhonnête, par exemple.

Car à Fourberie-sur Seine, on adore jouer avec la "boîte de Pandore" : cela donne le sentiment vivifiant de posséder les attributs d'un dieu ou d'une déesse grecque. Mais il peut être dangereux et fort contre-productif de s'aventurer en territoires inconnus. Et à trop vouloir modifier le cours naturel des choses, des événements ou même des sentiments, il arrive le plus souvent que ces personnes se brûlent les doigts, et en viennent à perdre le cours de leur propre destinée, pour se diriger immanquablement vers le Néant. C'est pour cette raison que beaucoup d'entre elles ont un air hagard. Elles ne sont déjà plus là. En fait, elles ne sont pas blasées, mais égarées sans doute à jamais, dans un monde intermédiaire paralysant. C'est ça que les Sumériens appelaient en fait l'enfer !

Il est par ailleurs extrêmement difficile, insensé mais aussi souvent vain et décevant de vouloir leur apporter une aide, tant leur pensée est mal orientée, soupçonneuse, voire torturée et peu bienveillante. Quand elles émettent des voeux à votre égard, il faut faire preuve de précaution : par politesse autant que réflexivité, il est plus prudent de préciser que vous leur souhaitez ce qu'elles vous souhaitent du plus profond de leur coeur. Si elles font une drôle de tête, c'est que vous pouvez dire "coulé", comme dans le jeu de la bataille navale. Et si elles sourient aux anges, presque avec candeur, c'est tant mieux pour tout le monde.

Quand ces gens vous demandent quelque chose, posez-vous la question du non-dit : était-ce là le véritable objet du dialogue ? Qui sait ? Eux-mêmes ont un mal fou à se diriger dans les méandres "filandreux" de leur pensée souvent abstruse ou absconse. Et en plus, ils ne le font pas toujours exprès ces timides "bravaches". Ils sont un peu comme des enfants qu'on aurait obligés à grandir trop vite. Et n'ayant pas eu le temps d'assimiler tous les "codes", ils ont tendance à surjouer pour faire plus vrai. Rappelez-vous que dans leur monde, tout peut basculer très vite...à leur détriment. Un jour ils sont au pinacle et le lendemain au septième dessous, toujours pour des impondérables étonnants et si inattendus, dignes du facétieux monde des elfes ou autres "gobelins".

Combien savent qu'après son départ triomphal de la capitale, pour la morne plaine belge de Waterloo en 1815, Napoléon (1769-1821) aurait perdu la bataille de sa vie, à cause de quelques fraises trop bonnes ! On attendait les 30 000 hommes de Grouchy (1768-1847), et ce furent les 40 000 Prussiens de Blücher (1742-1819), répète-t-on à l'envi, en soupçonnant Grouchy de quelque trahison de dernière minute. L'explication semble pourtant plus cocasse et inconséquente : il partageait de délicieuses fraises bien rouges dans l'auberge de Walhain, en compagnie du notaire Hollert, sans savoir que les coups de canon qu'il entendait allaient signer la défaite définitive de l'empereur, sur le champ de bataille de Mont Saint Jean, aux abords de Bruxelles (18 juin 1815). Il était à la recherche des Prussiens de Blücher qu'on pensait plus à l'est (sur la route de Wavre), sans les trouver, et faisait une pause.

Comme quoi d'"espiègles" petites fraises ont pu avoir raison du grand destin de Napoléon et de son empire ! On se croirait dans une bande dessinée belge, au pays des Schtroumpfs, ces petits bonshommes bleus nés le 23 octobre 1958 sous les feutres de Pierre Culliford dit Peyo (1928-1992), dans le journal Spirou. Quand ils ne se protègent pas du méchant Gargamelle, ne sont-ils pas grands amateurs de myrtilles, ces autres fruits rouges si bons pour la vue ! Lorsque Dieu se prend à jouer lui-aussi avec ceux ou celles qui veulent usurper constamment son pouvoir, le monde humain si frêle devient soudainement très petit et si craquant !


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