Tuesday, May 25, 2010

Le monde animal en 2010 II : entre déesses félines de l'Egypte, éthologie comparée, et karma

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique
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Dans la nature, même une "vraie" vipère aspic n'attaque pas l'homme, si elle ne se sent menacée ni pour elle ni pour ses petits. Il n'est donc pas nécessaire de chercher à la neutraliser avec force. On pourrait objecter que dans le cas de Cléopatre VII (69 - 30 av. J.-C.), dernière reine d'Egypte pharaonique, ce sont bien deux aspics lovées dans un panier de figues qui l'ont mordue et empoisonnée. Mais cela s'est produit parce qu'elle même l'a désiré ainsi. De plus elle a utilisé le symbole de l'"uraeus", avec la morsure du serpent sacré, afin d'entrer dans l'immortalité, et priver aussi Octave (63 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.) de son triomphe sur elle et Marc-Antoine (83 - 30 av. J.-C.) - qui se suicide également. De même, les déesses de l'Egypte sont-elles immortelles. Et après un long sommeil de deux millénaires et quatre décennies, elles peuvent tout à fait se réveiller si le besoin s'en fait sentir. Car la mort n'existe pas vraiment dans l'Egypte antique, même pour les momies embaumées, qui ne concernent pas que les humains, mais aussi certains animaux sacrés, comme le chat par exemple.

Dans l'Egypte des Pharaons, le chat était divinisé. Il représentait la déesse protectrice de l'amour et de la séduction, Bastet ou Bastit. Elle avait une tête de chat, et un corps de femme. Et ses prêtresses étaient hautement révérées, jusqu'à Cléopatre VII justement. Aussi bien, tuer un chat était-il passible des pires sanctions, dont la mort. Posséder un chat n'était donc pas de tout repos pour l'égyptien. Car sa mort devait être naturelle, et il y avait souvent des enquêtes dans les foyers pour déterminer si tel avait été effectivement le cas. C'est sans doute de là que provient l'idée de "terrible poisse" attachée durant tout le Moyen-Age au chat, même si les gens ne connaissaient plus ces détails de la vie courante de l'Egypte antique. Car y tuer un seul chat, qui plus est volontairement, entraînait au minimum sept ans de malheur et d'affliction dans la maisonnée, pour celui, celle, ou ceux qui avaient échappé à la justice de Pharaon : c'étaient là "les griffures et les morsures du destin" infligées par la puissante déesse Bastet qui voit tout, même la nuit.

En Afrique du Sud, ce sont d'autres félins qui sont en danger : les lions et singulièrement les lions blancs (albinos). On les élève de façon quasi-industrielle dans des réserves pendant cinq ans pour la chasse...leur chasse, sans qu'aucune autorité n'y trouve rien à redire. On la dénomme "can hunting", c'est-à-dire "la chasse en boîte", puisque tout y est réglé d'avance, sans laisser la moindre chance d'en réchapper à l'animal ! Ainsi, plusieurs milliers de lions sont déjà morts assassinés dans l'Etat du Limpopo, pour quelques milliers d'euros ou de dollars.
Le malheureux animal est anesthésié avec une seringue hypodermique, mené dans un enclos protégé, sous un arbre où pend la carcasse sanguinolente d'une antilope (elle-même sacrifiée pour la mise en scène), et tué "hagard" à son réveil par un "chasseur" avec un fusil à lunette.
Certains sont tellement nuls qu'il leur faut tirer une douzaine de balles, pour accomplir leur office macabre et lâche. Ensuite, ces individus en défaillance de testostérone, poseront tout tremblotant un pied sur l'animal majestueux pour la photo, afin de se pavaner. Aucune femme ne devrait admirer, accepter, ni respecter de tels hommes, qui n'ont rien de jeunes guerriers combattant le lion de façon traditionnelle pour prouver leur valeur, dans des rites de puberté.
Pour mémoire, Sekhmet, la déesse à tête de lionne de l'ancienne Egypte, mère de la Justice et de la Force, avait pour coutume d'apporter le chaos à ceux qui tuaient impunément et lâchement ou le permettaient.
Il n'est donc pas prouvé que l'économie de l'Afrique du Sud continue à prospérer si elle se fâche.
En tout cas, ce pays qui sait être capable du meilleur, pourrait faire un geste noble d'interdiction de ces véritables "exécutions", à l'occasion de la toute prochaine coupe du monde de Football, après sa nécessaire prise de conscience.

Pour les hommes, les animaux ne sont pas capables d'invoquer leurs divinités protectrices tutélaires, le phénomène de croyance étant réservé à l'homme : qu'en savons-nous ?
Les immenses avancées de l'éthologue autrichien Konrad Lorenz (1903-1989), prix Nobel de physiologie et de médecine en 1973, avec deux autres lauréats de cette nouvelle science du comportement animal comparé, applicable également à l'homme, pourraient en faire douter quelque peu.
Rappelons qu'en 1960, il publia aux Editions Flammarion un ouvrage incroyable sur ses travaux d'avant-garde : "Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons". Dans un autre ouvrage ("On agression", A propos de l'agression, 1966 pour la version anglaise), il stigmatisait les dérives de l'"instinct d'agression" chez les Humains.
En s'inspirant de Lorenz, on constate que ce qui différencie le plus l'homme (ou la femme d'ailleurs) des animaux, c'est leur '"instinct d'agression" absolument viscéral, et non leur "conscience" supposée - objectivement et scientifiquement non démontrée. Pour ce qui est de la conscience animale, à l'opposé, il est frappant de voir que des animaux sauvages, comme la louve, la lionne ou l'éléphante, peuvent parfois sauver un "petit d'homme" abandonné dans la forêt ou dans la jungle, plutôt que de le tuer, le dévorer ou le piétiner !
Cela tend à montrer que l'animal, à la différence de l'homme, ne raisonne pas forcément ni uniquement en terme de rapports de force, et que même la fragilité peut stimuler son instinct de protection.
C'est ce que la Chine immémoriale, qui a alterné puissante force et grande mansuétude inattendue, a dénommé dans sa grande sagesse "la force du faible". Les différentes formes du "wu-shu" (kung-fu, taïchi, ...) s'inspirent d'ailleurs énormément d'une observation animale bien comprise : s'y exprime la subtile voie oblique et insaisissable de la moindre résistance, triomphant de façon fulgurante et spectaculaire in fine.

Même le fameux "karma" des bouddhistes ou des hindouistes montre à quel point l'homme peut avoir une nature et une logique essentiellement binaires. Car il ne s'agit ni plus ni moins que de l'application de la loi d'action/réaction fondée sur l'usage approprié ou non de la force, et de ses conséquences dans cette vie et au-delà (avec la théorie de la réincarnation). L'évolution que suppose la réincarnation humaine pour les uns, ou la métempsychose - réincarnation en humain, en animal ou même en végétal - pour les autres en cas d'involution au contraire, repose donc sur un jeu de "va-et-vient" parfois ternaire. Bouddha lui-même (vers 563- vers 483 av. J.C.) a dit à plusieurs reprises à d'importants disciples qu'"il ne savait pas" si cela existait vraiment, en provoquant à chaque fois leur départ tonitruant ; il a beaucoup hésité sur ce point avant de se raccrocher finalement à cette croyance "très ancrée", en gardant ainsi ses disciples préférés avec lui. Il est tout à fait frappant que dans ce cas, et en toute logique, il l'ait admise pour les animaux également : cela équivaut à la reconnaissance de leur "âme", qu'elle soit de groupe ou individuelle.


Konrad Lorenz déclarait avec humour : "J'ai trouvé le chaînon manquant entre le singe et l'homme, c'est nous." Et dans son ouvrage intitulé "On agression", il croyait bon de souligner : "Celui qui connaît vraiment les animaux est par là-même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme." Nous ajouterons qu'il n'est pas aisé de savoir si l'homme est le plus grand espoir de Dieu, ou au contraire la source de son plus grand trouble - qu'il peut simplement décider de tarir à tout moment, et où il veut !

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