________________________
Certains aujourd'hui ont tendance à mettre sur le compte de la chance, l'épopée glorieuse d'Alexandre III "l'invincible", roi de Macédoine, et notamment son indéniable génie militaire resté inégalé. C'est d'autant plus aberrant que notre époque se caractérise par une absence quasi-totale de grands stratèges occidentaux. Ceux qui croient l'être ne le sont assurément pas, et celui qui s'ignore ou que l'on ignore l'est peut-être, mais dans ce cas cela ne sert à rien. Alexandre le Grand a vaincu des adversaires qui furent souvent au moins sept fois supérieurs en nombre. Aujourd'hui, on en voit qui arrivent à perdre ou à s'enliser dangereusement à dix, vingt, et parfois trente contre un. Ils veulent combattre à distance parce qu'ils aiment la guerre, mais pas ses risques. Le temps des sarisses macédoniennes (longues piques de 5 à 7 m), est certes fini, mais pas celui des guêpiers. De plus, ils ne savent pas s'ils arment ou conseillent de futurs ennemis de l'Occident, comme ces grands "chefs" de rebelles, hier collaborateurs zélés du coriace et rusé Muammar Khadafi (né en 1942 à Syrte, Libye), guère amènes avec ceux qui les aident. Et ce n'est pas uniquement pour des raisons de dommages collatéraux causés par les avions militaires de la Coalition occidentale. Car des fortunes privées sont discrètement en train de se constituer pour le contrôle du port pétrolier de Bréga ou du terminal de Ras-Lanouf, pour 40% du pétrole africain - l'un des plus légers du monde. Mais le fait est que cela accroît la coupure du monde en deux : il y a d'un côté ceux qui fortement endettés se ruinent en combats de fin d'Ere, et de l'autre, ceux qui les regardent avec étonnement et incompréhension (les Emergents du BRICS - Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud -, et l'Asie). Des vetos se préparent à l'ONU.
On a souvent critiqué Alexandre pour ses excès, surtout à l'époque moderne pourtant pas si humaniste que ça dans la réalité quotidienne, ni dans ses multiples arrières-pensées et minables mesquineries à effet boomerang assuré.
C'était clairement un homme au tempérament passionné et sanguin. Mais rien de grand au monde ne se construit sans passion. Et lui a vraiment changé le cours de l'histoire jusqu'à nos jours.
Or ce que l'on passe sous silence, c'est qu'entre Aristote (384-322 av. J.-C.), son précepteur philosophe et lui, le plus humain n'était absolument pas celui qu'on croit. Quand il conquiert la Perse, l'Egypte, Babylone, l'Afghanistan (Gédrosie), et une portion de l'Inde et du Pakistan, qui lui reproche sans cesse sa trop grande humanité et sa générosité ? Eh bien, c'est Aristote justement ! Ce dernier l'exhorte au contraire de manière insistante à ne traiter les "Barbares" que "comme des animaux ou des plantes" ! Mais lui refuse d'écouter ces paroles odieuses, et met constamment en oeuvre partout où il passe, souvent accueilli en libérateur et en sauveur, son idée de grand empire universel et fraternel. L'Iskander des peuples orientaux n'était pas que noble, il était vraiment Grand également, et c'est cela qui lui valut son surnom. Ainsi nombre de peuples - hormis les Phrygiens, les Gazaouites, les Perses, et les habitants de la vallée de l'Indus essentiellement -, acceptèrent d'eux-mêmes son autorité, sans combattre en fait, tant son aura et sa renommée étaient brillantes. Avec sa chevelure blonde au vent, il était le Soleil macédonien. Il illuminait de toute sa splendeur et de sa flamboyance les trois grands ensembles territoriaux alors connus des géographes et cartographes grecs : l'Europe où la Grèce avait des colonies jusqu'en Italie, l'Asie riche, lumineuse, et fascinante, et la Libye justement en lieu et place de l'Afrique.
De même en Perse, il reprit quasiment intégralement le système administratif de Darius III (380-330 av. J.-C.), avec des satrapes iraniens doublés d'agents royaux macédoniens ; car il le jugeait efficace et si utile à la pérennité de ses conquêtes. En outre, ses nouveaux sujets pouvaient continuer à parler leur langue et à pratiquer leurs coutumes et leur religion, sans que ça ne le dérange. Et il alla même plus loin, en intégrant carrément 30 000 soldats d'élite perses dans ses phalanges macédoniennes au grand dam d'une partie de ses proches interloqués.
Mieux, il adopta certaines coutumes iraniennes (comme il l'avait fait avec celles d'Egypte dont il était devenu Pharaon). Et il fit célébrer dans une ambiance de fête géante d'immenses mariages mixtes entre ses hommes et des femmes du pays, à Suse (février 324 av. J.-C.). Lui-même d'ailleurs se maria au moins par deux fois à ces belles femmes d'une autre culture : il s'est ainsi uni avec Roxanne, la plus belle femme d'Asie qui a bouleversé ses sens (la fille du satrape de Sogdiane, zone située entre l'Iran et l'Afghanistan), et également avec Stateira, fille du défunt Shah de Perse, Darius III. Et il hérita de son harem de 365 concubines, une pour chaque jour de l'année. On aurait dit aujourd'hui avec humour, qu'en tout cela permettait de faire face aux années bissextiles. Il a également introduit en sa cour de Babylone la proskynèse (le fait de se prosterner devant son souverain en signe de respect), qui est d'origine perse.
Car on ne prend pas assez conscience que si Alexandre devint roi d'Asie en Phrygie conquise (333 av. J.-C.), en tranchant le fameux "noeud gordien" situé dans la ville-capitale de Gordios, il est également "le vrai fondateur de l'Occident", tel qu'il existe encore.
Par ses victoires spectaculaires et ses conquêtes au-delà même du monde connu (il a fondé une Alexandrie devenue Karachi), lui l'européen a littéralement changé la face du monde depuis plus de 2344 ans. Et la suprématie occidentale observable jusqu'à maintenant sur la planète provient de lui, personnellement. C'est par lui et en lui, que l'Occident est vraiment né, même si paradoxalement il n'a pas conquis la majeure partie de l'Europe de l'ouest, par delà la Grande Grèce italienne. Il est vrai à sa décharge qu'il la considérait comme une zone essentiellement forestière, et non comme le siège d'une grande civilisation. Ce n'est qu'à la fin de sa courte vie qu'il eût soudain des vues sur la Gaule Cisalpine et au-delà, à cause d'un fils à retrouver. Mais il mourut prématurément à 32 ans (13 juin 323 av. J.-C.), sans avoir eu le temps de conquérir l'Arabie, hormis le Golfe Persique, et de se diriger vers l'Europe à partir de Carthage (Tunis aujourd'hui).
C'est d'ailleurs un secret de Polichinelle de savoir qu'il a très probablement été empoisonné sur l'instigation d'Aristote, le méchant grincheux et l'impie d'Athènes qui rejoignit le camp du général macédonien Antipater. Or, c'est bien ce dernier qui voulut éliminer toute descendance d'Alexandre le Grand, de son vivant, mais aussi après sa mort, avec un succès incomplet d'ailleurs. Et en son temps, les Grecs ne s'y étaient pas trompés : on l'accusa plus ou moins ouvertement d'avoir été responsable de la mort du grand conquérant, lui le philosophe imberbe "au cheveu sur la langue". Et ça l'époque moderne qui aime tant gloser a voulu l'oublier.
A titre d'épilogue, un autre point important concernant Alexandre est celui de sa "divinité", en tant que "fils de Dieu". Et cela lui a peut-être finalement coûté la vie, comme ce fut également le cas de Jésus-Christ, en vain d'ailleurs. Cette comparaison entre les deux personnages peut surprendre au premier abord. Pourtant elle n'est pas faite sans raisons. Tous deux en effet, sont des dynastes ; tous deux ont historiquement et successivement été dénommés "Sauveur" ; et tous deux furent chacun à leur manière reconnus et proclamés "fils de Dieu". De plus, si Alexandre est la source de la puissance occidentale, Jésus à travers l'héritage qui nous en est parvenu, l'a affermie spirituellement pendant un peu plus de 2000 ans. Dans la Bible ou même le Coran, Alexandre le Grand est mentionné. On le représente comme Moïse avec deux petites cornes sur la tête.
Jésus quant à lui ne paraît pas avoir rejeté ni même critiqué le personnage d'Alexandre, et pour cause. Ne reprend-il pas à son tour l'idée d'un "Empire universel et fraternel de Dieu sur Terre" ? De même, la phrase "Au reste, amenez-moi ici mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, et tuez les devant moi", n'est pas d'Alexandre le Grand. Elle est au contraire attribuée à un Jésus en colère, par Saint Luc dans son fameux évangile (XIX-27). Jésus était en effet furieux d'avoir été évincé du trône de David au bénéfice d'un descendant d'Hérode "l'usurpateur", par ceux qui en avaient décidé ainsi et qu'il considérait dès lors comme des traîtres. Mais il choisit finalement le royaume des Cieux, raison pour laquelle nous le connaissons. Le fait d'associer Alexandre et Jésus est crucial en ces temps de "Grande Tribulation" où tant de gens ne se sentent redevables ni envers l'un, ni envers l'autre. Et ce pourrait être là grand tort pour le futur proche, à partir de maintenant !