Tuesday, October 18, 2011

Entre Soleil, faucille et marteau : les secrets encore "voilés" d'Alexandre, l'invicible Macédonien !

par Jean-Jacques COURTEY, Docteur en Géographie Economique
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De nos jours, on connaît davantage "l'art de la guerre" du général chinois Sun Zu (544- 496 av. J.-C.) que les éléments de la stratégie invincible d'Alexandre le Grand (356 - 323 av. J.-C.).
On applique depuis maintenant des années les préceptes du premier au monde non plus militaire, mais plutôt des affaires et de l'entreprise, voire du travail avec des réussites... mais aussi des échecs de plus en plus nombreux. Trop de gens l'utilisent à tort et à travers en même temps, ce qui crée beaucoup de situations confuses et des résultats en "culs-de-sac". Là, non seulement les gens ne gagnent pas, mais ils en arrivent à perdre de façon peu glorieuse. Avec cet usage excessivement galvaudé, qui sait s'ils ne se préparent pas sans le savoir à être réincarnés en singe, puisqu'ils croient tant au karma ?
La stratégie de Sun Zu (ou de celui qui a réellement écrit l'ouvrage attribué), vise à limiter au maximum les combats, en décourageant par avance l'ennemi. Elle est fondée grandement sur le renseignement, la désinformation et la déception. Son domaine est celui de l'ombre (lunaire).
La seconde, celle d'Alexandre le Grand, vise au contraire et surtout à permettre de se surpasser face à un ennemi supérieur en nombre, en provoquant sa déroute totale, ou en l'amenant à se rendre. Elle porte en elle quelque chose d'olympien. Son moteur à travers les siècles, est la gloire immortelle : elle recherche donc les hauts faits accomplis en pleine lumière, à la façon du roi des Myrmidons, Achille, à Troie (XIIIème siècle av. J.-C.), ou du demi-dieu Heraklès - les ancêtres mythologiques de ses parents.


Or, la stratégie boudée d'Alexandre le Grand n'a, semble-t-il, jamais vraiment été égalée dans l'histoire. Il est vrai que son côté "solaire" est encore mal connu et assez peu compris bizarrement. Pour l'aborder, il faut toujours garder à l'esprit qu'Alexandre n'était pas "un agité" de l'action inutile. S'il était de tempérament sanguin, et mettait beaucoup de passion dans ce qu'il faisait, en général il était plutôt d'un naturel calme et enjoué. Ses redoutables colères n'étaient qu'épisodiques, souvent fondées et radicales.
Durant toute sa vie, il s'amusa même à contempler toute l'agitation qu'il provoquait sans forcément le vouloir. Il pensait souvent que les gens échouaient dans ce qu'ils faisaient parce qu'ils étaient trop pressés d'aboutir, ou vendaient eux-mêmes la mèche. Et leurs grimaces, si mauvaises pour leurs intestins, avaient tendance à le faire rire. Ces personnes lui faisaient pitié.
Quand on veut surprendre l'ennemi, il ne faut pas être trop près de lui, ni parler trop fort, et encore moins le narguer stupidement. Car l'idiot n'est alors pas celui qu'on croit. Préalablement à toute tactique militaire - ou pas d'ailleurs -, il y a aussi des règles de bon sens ; et contrairement à ce que l'on entend, le bon sens est souvent la chose la moins bien partagée du monde de facto.
Egalement, si l'on y prête attention, il est facile de se rendre compte à quel point la synchronicité joua un grand rôle dans les victoires de l'invincible Macédonien.

Nous ne donnerons cependant qu'un aperçu de sa stratégie, certains éléments devant encore rester "voilés", car elle est trop puissante et trop fulgurante dans ses effets.
Avec un curieux usage du Soleil ou des éléments naturels, l'une des clefs majeures en fut la technique "de la faucille et du marteau", si symboliques encore de nos jours. La stratégie perse fut quant à elle connue comme celle "du marteau et de l'enclume" - plus évidente et si prévisible.
L'idée d'Alexandre n'était pas d'empêcher l'ennemi de rassembler ses troupes et de montrer toute sa force, mais au contraire de l'encourager à l'exposer au maximum pour ainsi dire. Et parce qu'elle s'exposait trop justement, alors il lui était d'autant plus facile de la cisailler pour la faucher irrémédiablement et la marteler jusqu'à la victoire inéluctable.
Bien avant d'être associés au communisme russe avec un sens différent (le paysan et l'ouvrier), la faucille et le marteau, ont donc été les éléments les plus efficaces de l'armée d'Alexandre. Ils ont été parmi les plus redoutables outils de combat forgés par l'homme, pour la suprématie militaire et politique. La faucille est une petite faux, dont on sait qu'elle désigne de façon symbolique la mort (dénommée "la grande faucheuse"). Quand on dit ça, on pense surtout aux chars de combat antiques, comme ceux de Darius III ( v. 380 - 330 av. J.-C.), qu'eût à affronter Alexandre le Grand. Ils avaient des roues armées de terribles faux qui coupaient les jambes des soldats adverses, et auraient dû semer par avance la peur. Pourtant, ce n'est pas d'eux qu'il s'agit, lorsqu'on parle de "faucille", mais plutôt de la cavalerie d'Alexandre, voire d'un usage subtil de ses redoutables phalanges.
Selon la logique qui prévaut aujourd'hui, à l'instar de celle de son temps, Alexandre aurait dû perdre dès la première bataille contre les forces perses, celle du fleuve Granique (mai 334 av. J.-C.). D'ailleurs, son général en chef, Parménion (400 - 330 av. J.-C.) n'avait pas manqué de lui conseiller de reprendre la mer en direction de la Grèce. Mais il n'était pas Parménion comme il le déclara lui-même, "il était Alexandre !"
Alexandre avait passé le fleuve Granique en matinée avec le plus gros de ses troupes, et se trouvait donc du côté escarpé où étaient massées les troupes des satrapes perses et les mercenaires de Memnon de Rhodes (v. 380 - 333 av. J.-C.). Etant en contrebas, il était normalement désavantagé, du moins théoriquement. Mais rien ne se passa comme les Perses ou même Parménion l'avaient prévu. Car c'est lui au contraire qui culbuta relativement facilement l'armée adverse, malgré sa supériorité numérique. Parménion, ne traversa d'ailleurs le fleuve avec la cavalerie Thessalienne, qu'une fois la victoire perceptible.

Parménion pensait qu'Alexandre allait avec trop d'audace vers quelque chose que lui ne voyait pas : pourtant aucune des dangereuses batailles - qu'il gagna toutes -, ne le tua. Alexandre ne l'écoutait pratiquement jamais, et il s'en porta fort bien. Et c'est Parménion, qui se trouvait si prudent et avisé, qui mourut le premier : cela arriva inopinément quatre ans plus tard, lors de son retour en Macédoine, fort bêtement pourrait-on dire.
Pourtant, Parménion semblait au départ avoir raison : Alexandre aurait normalement dû perdre les trois grandes batailles qu'il eût à mener contre les Perses, tant tout le désavantageait. Or, c'est l'impensable qui est effectivement arrivé : il a triomphé glorieusement à chaque fois, et qui plus est avec des pertes étonnamment faibles. Elles furent d'ailleurs si faibles, qu'elles embarrassent toujours les historiens et les militaires.

Le long du fleuve Granique (Turquie actuelle), ses Macédoniens qui avaient l'habitude du combat en zone escarpée, de part la géographie de leur royaume, ne firent qu'une bouchée des forces perses et de leurs mercenaires grecs trop sûres d'eux. Les pertes d'Alexandre furent si minimes que le nombre, pourtant d'époque, de 34 hommes contre environ 20 000 pour le camp adverse reste sujet à discussion. Certains s'amusent même à faire, de façon très subjective, une douteuse "péréquation" à 100 morts contre 12 000 : on décompte ainsi 10 000 mercenaires grecs de Memnon de Rhodes, auxquels on ajoute 2000 soldats perses. C'est dire si sa victoire fut à peine croyable. Les Macédoniens firent alors figure de "super-soldats". Et de nos jours, on pourrait presque voir Alexandre comme une sorte de "superman" avant l'heure.


Mais donnons plus de détails sur cette fameuse "faucille" d'Alexandre. Elle reposait sur l'idée de couper rapidement les lignes latérales de l'armée ennemie en les scindant, puis en les étirant très loin de leur centre, pour les isoler et en finir à travers un combat par unités plus petites - facilité d'autant.
Une fois isolées de leur centre, ces forces adverses étaient effectivement fauchées à la manière d'une faucille pour les herbes folles, et ce quel que soit le terrain. Il échelonnait ainsi le combat jusqu'à la victoire finale.
Il s'adaptait à la topographie, en se laissant guider par l'occasion, ou il parvenait à la créer lui-même en provoquant des ouvertures s'il n'y en avait pas.
Et, dans cette vision oblique, que les troupes ennemies se montrent en grand nombre, les rendaient automatiquement plus faciles à cibler en faisant des tirs groupés pour les décimer. Nul besoin de savoir où elles se cachaient donc !
En plus, avec les sarisses (pourtant plus petites en terrain escarpé : de 4 à 5 m), il était possible d'"embrocher" plusieurs soldats à la fois, avec une certaine distance de sécurité. Ainsi, l'avantage numérique s'estompait-il en fait assez rapidement. Mais au Granique, c'est aussi le Soleil, son symbole, qui l'aida à vaincre. Lui-même avait choisi l'heure du combat, dans l'après-midi, pour que les troupes perses aient le Soleil dans les yeux. Et après cette bataille, qui vit la fin inopinée de satrapes tyrans, Darius qui ne s'était même pas déplacé, le prit plus au sérieux. Alexandre avait donc créé sa propre chance lui-même, et en avait profité sans hésiter : sa victoire fut dans les deux sens du terme "éblouissante" !

Avec l'exemple de la bataille d'Issos, qui se déroula en novembre 333 avant Jésus-Christ (Turquie actuelle), nous allons entrevoir ce qu'était pour lui le "marteau". Lors de cet affrontement beaucoup plus gigantesque que le précédent, Darius III avait regroupé l'essentiel de son armée, forte d'au moins 250 000 hommes. Nous disons au moins, parce qu'en réalité les sources antiques parlent plutôt de 400 000 hommes, voire davantage. Mais les historiens contemporains ont estimé que ce chiffre avait peut être été exagéré là encore, sans preuves d'ailleurs. Il leur est vraiment difficile d'admettre une nouvelle victoire aussi écrasante d'Alexandre avec un nombre d'hommes si inférieur (aux environs de 35 à 37 000). Reprendre totalement les chiffres antiques donnerait à cette victoire déjà anormale, un côté encore plus impossible et hallucinant. Le fait est cependant qu'il fit de terribles ravages dans les ailes du camp adverse, qui s'étaient trop étirées. Il parvint à créer ainsi des brèches dans lesquelles il s'enfonçait aussitôt. De plus, en morcellant en quelque sorte une armée ennemie devenue du même coup plus aisée à défaire, il créait des effets de panique. Et de fil en aiguille, il lui était finalement possible de déborder le plus gros du corps d'armée, en le prenant à revers ce qui le perturbait gravement : il lui asséna alors "le marteau" qui s'avéra fatal, pour le disloquer et l'écraser. Avec seulement 450 morts dans son camp, il est vrai que l'on est vraiment dans l'incroyable !
Pourtant Darius qui n'était pas né de la dernière pluie avait un peu pressenti sa stratégie. C'est pourquoi, Alexandre qui dirigeait l'aile droite de l'armée macédonienne dût donner la fausse impression qu'il s'en allait, pour parvenir à détacher l'aile gauche de Darius, en la lançant à sa poursuite. Il lui suffit alors de faire subitement volte-face pour prendre en étau le téméraire ennemi, grâce à la cavalerie d'appoint d'un de ses généraux qui arrivait par l'arrière de l'aile imprudente. Darius, parvint cependant à prendre la fuite avec une partie de son armée, parce qu'Alexandre avait dû venir à la rescousse de la cavalerie Thessalienne de Parménion, qui lui était en difficulté.

Enfin, lors de la bataille de Gaugamèles (Irak actuel), le 1er octobre 331 avant Jésus-Christ, qu'il tenait absolument à faire en terrain découvert et en plein jour, il fut aidé par une soudaine éclipse de Soleil. Parménion, lui voulait attaquer de nuit, mais Alexandre trouvait cela peu glorieux. On ne sait pas si des astrologues avait avisé Alexandre de l'heure de l'éclipse, ou si lui-même, dont les connaissances étaient fort éclectiques, l'avait calculée pour donner le signal de l'attaque. En tout cas, pour quelqu'un qui avait l'habitude d'utiliser le Soleil à son avantage, la coïncidence paraît vraiment étrange. A l'issue de cette bataille définitive pour le sort de l'empire perse, on parle de seulement 500 morts dans son camp contre 50 000 pour l'armée perse (la moitié de son effectif résiduel).
Là encore ses phalanges firent merveille. Une phalange était un groupe de 256 hommes (un carré de 16 x 16), armé de sarisses pouvant mesurer jusqu'à 7 mètres de long. Avec une telle allonge - les lances adverses ne devaient pas dépasser les 2 mètres -, il était possible tout aussi bien d'enfoncer cruellement les lignes ennemies, que de stopper la cavalerie ou même d'entraver la progression mortelle des chars en tuant les malheureux chevaux ou leurs auriges, et en brisant les roues dans un fracas assourdissant.
Il est à noter qu'Alexandre, quant à lui, ne s'acharnait pas lâchement sur les blessés ni sur ceux qui se rendaient, en facilitant ainsi les ralliements. C'était autant par humanité que pour ne pas ternir sa gloire, qu'il voulait aussi brillante que l'astre du jour.
Or même aujourd'hui, notre époque dite "civilisée", ne semble pas parvenir à l'égaler.
Et si actuellement l'Occident qu'il a créé, était en péril de par ses propres excès, cela n'augurerait rien de bon pour ce qui l'attendrait.
Il est donc à souhaiter qu'il se reprenne très rapidement, en étant à la mesure de ses propres valeurs, plutôt que de semer le doute sur ce qu'il incarne !




Dans un monde hors de contrôle qui change à une vitesse phénoménale, alors même que peu de personnes maîtrisent quoi que ce soit - avec un défaut financier imprudemment recherché de la Grèce dans les faits, semble-t-il -, il faut une sacrée prétention et un grand manque de jugeotte pour dire que l'on sait exactement où l'on va.


Alexandre n'a jamais dit qu'il savait parfaitement où il se rendait : il suivait son rêve, et cherchait par son énergie et la force de sa pensée à le rendre réel. Et souvent, il alla même au-delà, en conservant sa noblesse. Or cette manière de raisonner qui fut sienne est nettement plus simple, plus accessible, et plus sûre qu'il n'y paraît.

Il avait décidé de reculer les frontières du monde connu et d'en être le roi. Qui oserait prétendre qu'il n'y est pas grandement parvenu ? Et qui pourrait dire qu'il n'a rien légué de glorieux après sa mort, en laissant son nom à jamais gravé dans l'Histoire ?!

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